- Les DANSES TRADITIONNELLES / Le BWITI -

- Création de la Page : Juillet 2009

• Soirée de l’étrange, soirée de mysticisme. Une plongée dans les arcanes des Traditions Gabonaises secrètes. Une profondeur d’impressions difficiles à oublier : des chants, des danses, des couleurs, du mystère.


Le Village de MFEMFE ENING avec Christophe et sa Famille :






Carte des Environs de Libreville avec le Village Traditionnel :





- Le Matériel Photo :

• Toutes les photos ont été réalisées avec le matériel suivant :
.... Appareil CANON EOS 5D Mk II avec zoom CANON 28/300 mm F3,5-5,6L IS USM
.... Flash CANON 580 EX II




- Le TRAJET :


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LIBREVILLE Centre -> PK 12 : 12 km. Seulement 12 km, mais 1 heure au minimum de déplacement en voiture. Des bouchons, des embouteillages, une route étroite et un peu d’anarchie en conduite.

• Arrivé au PK 12, au niveau de la boulangerie, une piste en mauvais état démarre sur le côté gauche. C’est l’ancienne route de N’TOUM. Après une centaine de mètres sur la gauche, on arrive au village de MBENG-NTAM. C’est là où réside Christophe et sa famille.
• Du PK 12, au village de danse traditionnelle de MBENG-NTAM, il reste 4 à 5 km sur une vieille piste, pour arriver à l’endroit de la danse.


- L’INITIATION :
Il y a 25 ans, lorsqu’il est arrivé au Gabon, Christophe a tout de suite été séduit par le Gabon, sa beauté, ses coutumes. Après s’être marié à une gabonaise d’ethnie Fang et avoir fondé une famille, il a tout de suite perçu les côtés secrets de la société : l’Initiation. Conquis par le mysticisme et toute la dimension cachée qu’il révèle, il a pris le bois sacré : l’IBOGA.
Cet arbuste qui ne pousse qu’en Afrique Centrale, produit des fruits longs de 5 à 10 centimètres de couleur jaune vif. Ce sont leurs racines qui sont exploitées. Après avoir déraciné l’arbuste, on récupère les racines, qui sont découpées pour en retirer la partie la plus tendre. On peut ensuite l’absorber sous forme de décoction ou en la mâchant tout simplement.

Cette drogue provoque après quelques minutes ou quelques heures, suivant les doses, et les individus, un état second. La préparation psychologique, l’iboga, la présence des autres initiés, la musique rythmée permettent alors à l’initié d’aller à la rencontre de « soi-même ». Car l’Initiation est avant tout la recherche de soi-même et de sa spiritualité.
Si l’origine remonte certainement aux pygmées, il a été transmis aux ethnies du sud et du centre, les Mitsogho, Apindji … Il a ensuite été repris par toutes les ethnies du Gabon, en l’adaptant aux coutumes locales. Comme toutes les cérémonies secrètes, les gens extérieurs ne pourront assister qu’à la partie émergée de l’iceberg. Les traditions profondes sont du seul ressort des initiés.


- Le Village de MBENG-NTAM (Beauté et Prospérité) :
Après avoir été initié, toute la famille environnante, sous l’impulsion de Christophe va fonder sur un terrain familial au PK 12, un village. Ce village, dont la traduction serait beauté et prospérité, comprend une cinquantaine de membres de sa famille Fang (ethnie du nord du Gabon). Il va s’appeler MBENG-NTAM.
L’idée de Christophe va être ensuite de fédérer toutes ces familles dans une association N’KOLL d’AYELE, dont le but est de permettre à toutes les personnes qui le souhaitent, de se rapprocher de ces cérémonies et de communier, l’espace de quelques heures, avec l’esprit du BWITI. Les secrets de l’initiation seront toujours préservés car seuls des initiés ou des futurs initiés auront le droit de « savoir » et de « voir ». Mais cette initiative permet incontestablement aux « étrangers », c’est-à-dire aux non-initiés, de se rapprocher de la face cachée des coutumes gabonaises et de voir un condensé de l’esprit BWITI.
Certains puristes y verront certainement une déviance inadmissible, mais l’atout majeur, est de permettre à des familles de vivre tout en apportant un peu plus de compréhension de ces coutumes. Le protocole voudrait que ça ne se passe comme on va le voir. Il faudrait certainement dissocier tous les événements sur toute la nuit. En général, la cérémonie dure toute la nuit, plus de 10 heures, et s’étale quelquefois sur plusieurs nuits. Ici, les temps forts vont être ramenés à 2 ou 3 heures. Effort d’interprétation et de vulgarisation.
D’un autre côté, aujourd’hui, dans un contexte de communication et d’évolution, on a gommé les interdits et présenté un protocole unitaire.


- Le Village de MFEMFE ENING (La Nouvelle Vie) :
Ce n’est pas à proprement parler un village. C’est plutôt un vaste espace de forêt où se trouve un petit village traditionnel, c’est-à-dire le lieu des cérémonies. On est près de la baie de la Mondah, au nord-est de Libreville. Dans les zones basses, on trouve de la mangrove.
Le rendez-vous avec Christophe est au PK 12, au village de Mbeng-Ntam. Après un regroupement, tous les véhicules vont faire 4 à 5 km de piste défoncées pour atteindre le nouveau lieu de cérémonie. Un véhicule 4x4 tout terrain est indispensable.
A l’entrée du domaine, on laisse les voitures. Tout est fait pour nous plonger dans le monde de l’étrange. Il est 9 heures du soir. Il fait nuit. Pas de lune. On est simplement accueilli par 2 guides en tenue traditionnelle. Un pagne autour de la taille, le corps recouvert de kaolin blanchâtre, les parures de l’initiation sur le visage et le torse, il brandit haut une torche pour nous montrer le chemin et nous inviter à le suivre. Les torches sont en résine d’okoumé et laissent planer dans l’atmosphère une odeur caractéristique. Une odeur étrange à nulle autre pareille. Le premier guide va ouvrir la marche dans la nuit, le second la fermer. En voyant leurs corps blanchâtres, on à l’étrange sensation de se trouver en présence d’êtres sortis tout droit d’outre-tombe. Tout est fait pour nous plonger dans l’irréel. La nuit, les bruits, les odeurs des torches et de la forêt, les chants dans le lointain, le sentier difficile à arpenter de nuit, nous baignent dans ce milieu imaginaire et fantastique. Le groupe marche à tâtons dans la nuit, sur un sentier à peine visible.
Dans le lointain, on devine des chants rythmés par des tam-tam. En progressant on s‘approche d’un BANDJA. C’est le temple de cérémonie de veillée du BWITI. Construit en bois, l’armature faite de rondins de bois de quelques centimètres de diamètre en constitue la charpente. Des branches de palmiers plantées en terre en fournissent les murs. Dans la journée, c’est l’endroit où les jeunes rencontrent les vieux et écoutent leurs histoires. La nuit, pour le BWITI, l’endroit devient sacré. C’est le lieu où les NGANGAS, les sorciers, officient. A l’intérieur, tout un groupe d’hommes. Ils ont des torses recouverts de kaolin, avec des traînées rougeâtres. Le visage est recouvert également de kaolin blanc et de touches rouges, qui parfois s’étendent même sur la moitié de celui-ci. Cette couleur rouge est le produit du Padouk, un arbre des forêts gabonaises, dont la couleur rouge est caractéristique. C’est pour cela qu’on l’appelle aussi le bois rouge ou le bois corail. Broyées, les fibres vont donner cette poudre qui va orner les visages. Le torse est ceint de lanières croisées de cauris (coquillage de la famille des porcelaines) finement retenus en chapelet. Les dents de panthère alternent avec les coquillages dans des colliers descendant sur la poitrine.
Ils nous accueillent chaleureusement et nous présentent leurs chants. Chacun a été initié et possède un nom de cérémonie qui est différent du nom civil.

Un moment après, nous sortons du temple et nous continuons à marcher. Nous atteignons ensuite le temple des jeunes femmes. Toutes sont maquillées et portent les tenues de cérémonie, en particulier un pagne en raphia. Elles nous accueillent à leurs tours et nous présentent leurs noms de cérémonie et leurs chants.

En reprenant le chemin, le sentier nous conduit aussi à travers la forêt où petit à petit on entend un autre chant qui s’amplifie tous les mètres. On arrive au temple des femmes : le BWENDZE. Elles sont drapées dans des tenues rouges. Sur le visage, elles ont dessinées sur un fard rouge, des arabesques blanches. D’autres sont ornés de motifs finement ciselés sur les joues. La tête est surmontée d’une couronne de feuilles tressées.

Dans ces cérémonies, tout est empreint de symbolisme. Beauté des couleurs, des dessins, des parures, des ornements où l’esthétique le dispute aux significations cachées. Le rouge image du sang, le blanc évocateur des esprits, de l’au-delà, des morts. Dans une conception plus moderne, le blanc suggérant le sperme, image de l’homme, à l’opposé du rouge de la féminité. Le noir évoquant toujours les ténèbres. Mélange des couleurs, mélange des êtres, communion avec l’au-delà.

Lorsque nous sortons du temple, le guide nous dirige, à travers la forêt, vers le lieu de la cérémonie. C’est une petite cour constituée de rondins de bois formant un mur circulaire qui est tapissé de feuilles de palmiers verdâtres. Avant de pénétrer à l’intérieur, on peut assister à la préparation dans le lointain. On devine les allées et venues des danseurs, les discussions, les dernières mises au point. Tout près, un feu sèche les peaux des tam-tam afin de les tendres et de sortir des sons plus amples. Quelques bûches sont étalées sur le sol et brûlent en laissant monter une fumée grisâtre. Les tam-tam sont posés à même le sol, à moins de 50 cm du foyer. Tous les chants et les danses vont se dérouler ici pendant plus de 2 heures. Bien sûr, il est très difficile de résumer une cérémonie qui dure habituellement plus de 10 à 12 heures, en seulement 1 heure ou 2. Le Bwiti généralement, dure toute la nuit. Quelquefois, il peut s’étaler sur plusieurs nuits. C’est une alternance de moments forts de danses et de chants, puis de calme et de discussions, avant de repartir de nouveau. Mais pour nous qui n’avons jamais assisté à ces festivités, l’endroit est magique et ensorcelant.

Le NGANGA avec les attributs de ses pouvoirs :




Des chants qui en se rapprochant, annoncent l’arrivée des danseurs. Le NGANGA, comme un maître de ballet, va s’incliner avant de rentrer dans la cour, une torche à la main. Chaque geste, chaque parole correspond à un rituel qui doit permettre la communion avec les esprits. il marque de sa torche de résine l’entrée, en la pointant vers le sol, à des endroits précis. Nous devinons qu’il invoque les puissances occultes, sans pouvoir en préciser le sens exact. Son entrée va marquer le début de la cérémonie. Il sera suivi de la troupe qui va s’asseoir en demi-cercle, chacun a une place que sa position hiérarchique aura définie. Chaque danseur va tour à tour s’avancer au milieu de la cour et commencer sa prestation. C’est un florilège de danse et d’acrobaties. Les danseurs rivalisent de souplesse et de virtuosité. Le rythme est donné par les chants de l’assistance dont les paroles racontent une « histoire ». La cadence surgit des tam-tam dont les mains frappent frénétiquement la peau tendue. Le visage des batteurs ruisselle de sueur. Impressionnant ! Chacun remplit son rôle, et laisse la place à son ou sa collègue, qui va à son tour reprendre la suite de l’histoire en exécutant sa danse. Puis tous vont fusionner en dansant en groupe pour être en union spirituelle avec le maître et les esprits. L’un des danseurs se détache et se lance dans ses acrobaties. Débauche de souplesse, d’agilité, de voltige. Des vrilles, des renversements, des retournements, il s’incline, se relève, saute en l’air, retombe prend son élan et fini en apothéose par un saut périlleux. Toute l’assemblée est transportée par son habileté. On l’accompagne mentalement, on le soulève par l’esprit, on est avec lui. Communion totale de la foule et des danseurs pour ses prouesses.

Chaque danseur a soigné sa présentation. A la taille, ils portent un pagne, premier habit de l’homme. Ces Corps recouvert de kaolin, poudre de craie blanchâtre qui leur donne l’allure de créatures sorties tout droit d’outre-tombe. Cette blancheur, symbole de l’esprit, de l’inconnue, du mystère, de l’au-delà qui leur donne le pouvoir de connaître les secrets en dialoguant avec leurs ancêtres et le monde de la noosphère. La hiérarchie impose des attributs plus puissant. Des prétendants initiés au sommet de l’échelle, tous les grades sont représentés. Le stade ultime, le NGANGA, celui qui possède les pouvoirs, pouvoir sur la matière et l’esprit, celui qui lit dans les pensées, celui qui dialogue. Il est le plus puissant. Le bandeau sur sa tête retient une plume d’aigle, noire et blanche (le MBILOU), dressée vers le ciel. L’aigle, cet oiseau rapace à la vue perçante, qui voit de loin, qui est capable de distinguer un détail au milieu de la confusion, dont la plume a transmis ses pouvoirs au sorcier. Le sorcier qui est capable lui aussi de voir à travers les esprits. Non seulement il voit, mais encore il peut révéler. Révéler, comme le perroquet qui est capable de parler et de communiquer aux autres par des paroles. Ce perroquet qui va laisser sa plume rouge sur la tête du sorcier, comme pour renvoyer à l’assemblée le symbole des pouvoirs du Nganga. Cette plume rouge qui va être fixée sur le bandeau par une épingle. Cette épingle qui passe à travers le tissu en faisant un aller et retour pour retenir la plume, comme le sorcier qui passe à travers les esprits, les âmes, l’autre royaume pour en ramener ce qu’il a vu et qu’il va dévoiler. Il navigue des deux côtés du monde, le spirituel et le matériel. Son visage maquillé de rouge et de blanc, avec les colliers de dents de panthères autour du cou. Ses prouesses sont à la hauteur de ses capacités. Les cauris, ces coquillages de porcelaine, tournent autour de son torse fixées sur des lanières.
Les cauris, autrefois monnaie, sont la richesse et la beauté. Ils représentent aussi la joie et la douceur. La joie de celui qui danse et la douceur de celui qui s’est métamorphosé après son passage dans l’au-delà. La beauté aussi est importante. Tous les symboles doivent être mis en valeur pour être vus et plaire aux esprits.

Les danses continuent. Un peu plus tard, le sorcier va pénétrer dans la cour pour continuer la cérémonie. il porte sur son dos une peau de panthère. La panthère, cet animal sauvage et indompté, aussi puissant que féroce. Le danseur s’incline, se relève, danse, tourne sur lui-même. il va peu à peu maîtriser la puissance de l’animal. C’est lui, le Nganga, qui va s’élever au-dessus de l’animal et en absorber toute sa puissance. L’homme domine la panthère. Communion, fusion de l’homme et de l’animal.

Le droit du Nganga de posséder et d’arborer ces attributs, est l’image de la reconnaissance des initiés pour ses pouvoirs spectaculaires.

Les danses vont se poursuivre tard dans la nuit. Ces danses effrénées qui combinées aux chants, aux rythmes lancinants des battements de tam-tam, à l’odeur enivrante des torches de résine vont permettre la fusion avec les esprits.

Il nous faudrait bien entendu, beaucoup plus de temps pour connaître, s’imprégner et comprendre toute l’histoire racontée par ces chants. Mais cela est plutôt du ressort d’un ethnologue.

Pour nous, la soirée est magique. On baigne dans le surnaturel.

A la fin de la cérémonie, on passe par un pont suspendu, au-dessus d’une ravine de 4 à 5 mètres de profondeur, pour finalement se rendre dans un abri où on a dressé les tables. On va nous servir un repas typique gabonais avec la présentation traditionnelle dans des feuilles d’eau. Le fruits du dessert seront également servis dans des cornets fabriqués en feuilles d’eau enroulées sur elles-même.
Christophe et ses parents vont ensuite essayer de nous expliquer l’âme du BWITI. Les heures vont ainsi filer. Nous sommes assis dans une petite esplanade où les chanteurs et musiciens se préparent. A une cinquantaine de mètres derrière nous, il y a la case de la logistique de la cérémonie.

Dans un moment, des groupes de femmes vont danser le NDJEMBE, qui est la danse d’initiation des prosélytes et des initiées dans les ethnies Myénées. Les femmes habillées de pagnes de couleurs portent à la hanche des pagnes de raphia. Les déhanchements rapides et les ondulations des danseuses nous entraînent vers un autre monde, celui des gens de la côte atlantique. Ces danses vont nous amener très tard dans la nuit. Lorsque nous quitterons les lieux, notre marche pour rejoindre les véhicules sera bercée par les chants qui vont s’estomper dans le lointain. Nous quittons le monde de l’irréel, mais les festivités vont continuer longtemps sans nous.



Cette soirée merveilleuse, qui nous a plongé dans un monde inconnu, nous a tous enivré d’un parfum d’ésotérisme. Merci à Christophe, sa famille et à tous les danseurs et danseuses.










- Le Lien Officiel pour en Savoir Plus :




Le Village de MFEMFE ENING / Jean-Louis ALBERT / Samedi 20 Juin 2009.