- Nuit à l'Observatoire / Les ELEPHANTS de MOUPIA -

- Création de la Page : Octobre 2010

• A seulement 40 kilomètres au sud de Franceville, on trouve le Baï de Moupia, du nom du petit village proche. 2 baï et un observatoire qui permettent de voir des familles entières d'éléphants, ainsi qu'avec un peu de chance des Guib Harnachés et des Buffles. Une soirée, j'ai pu voir plus de 35 éléphants sur le premier baÏ. Fantastique.


Lever de Soleil sur le Baï :



• Je suis allé plusieurs fois à MOUPIA, pour voir les éléphants (voir les pages, "les Eléphants de MOUPIA", dans le lien en barre latérale "Autour de Franceville"), mais j'ai toujours souhaité passer une nuit sur la plateforme, à moins de 100 m du premier Baï. C'est donc un projet ancien que je vais réaliser.
Une plongée dans le monde secret des éléphants. Noyé au milieu de la forêt, à l'abri de la plateforme, on va passer une nuit exceptionnelle en immersion profonde dans ce monde magique ou les sons deviennent plus importants que les images. Le Rêve a l'état pur.

L'intérêt de cet endroit, est qu'il se trouve à une quarantaine de kilomètres de Franceville, et qu'on peut y être en 2 heures ou 2h 30, avec tout juste une demi-heure de marche.


L'animation ci-dessous a été faite à partir des photos que j'ai prises dans la soirée, au Baï EKENGUÉ de MOUPIA, depuis l'observatoire. Ce sont les photos de l'après-midi, lorsque le Baï se remplit petit à petit d'éléphants, et les dernières photos seront prises quasiment sans lumière, le soir, vers 18h30 / 18h40. La bande sonore qui est superposée à cette animation, correspond à des moments particulièrement intenses de la vie du BaÏ, durant la nuit. On ne voit rien, mais on entend toute la vie qui se déroule sous nos pieds, à moins de 100m. Les seuls bruits qui ne seront pas restitués sur la bande sonore, sont ceux des éléphants qui se poursuivent dans l'eau, c'est-à-dire les vagues soulevées par les pachydermes et qui sont générées par leurs courses dans le marigot. On pourrait par moment, se croire au bord de la mer, avec les barrissements et les grognements en plus.






Carte de Situation de la Zone de MOUPIA au GABON :



Carte de Situation de la Zone de MOUPIA :




Carte de Situation du Baï près de MOUPIA :





- Le Matériel Photo :


• Toutes les photos ont été réalisées avec le matériel suivant :
---- Appareil CANON EOS 5D MK II
---- Objectif zoom CANON 28 / 300 mm f/3,5-5,6L IS USM
---- Objectif Zoom CANON 24 / 70 mm f/2,8 USM
---- Objectif zoom CANON 100 / 400 f/4-5,6 IS USM
---- Objectif CANON 100 mm f/2,8 IS MACRO USM
---- Appareil CANON EOS 50D avec Zoom SIGMA 500 mm f 4,5 APO DG EX HSM CANON. Cet ensemble équivaut à un 800 mm monté sur un appareil full frame tel que le CANON EOS 5D Mark II.
---- Trépied GITZO GT 1541 T carbone 6x Traveler, avec rotule pendulaire WIMBERLEY II et platine Arc Swiss.
---- Flash CANON Speedlite 580 EX II


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Sur ces photos, on peut observer à la fois des éléphants (2 familles distinctes) ainsi que des Guib Harnaché sur le BaÏ. Il est rare que ces 2 espèces cohabitent longtemps sur ce petit espace. Dans d'autres Baï (comme le Baï de Langoué), qui sont plus vastes, ces espèces peuvent cohabiter plus facilement avec les Buffles et les Potamochères, compte tenu de l'espace libre.


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- Le Matériel Video :


• Toutes les videos ont été réalisées avec le matériel suivant :
---- Camescope CANON Legria HFS 100



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- Le TRAJET :


• 
FRANCEVILLE -> MOUPIA Village : 30 km, environ 40 min de route.

••
MOUPIA Village -> Barrière WCS : 15 km, environ 20 minutes. En fin 2010, la route a été refaite et le trajet prend à peine 15 minutes.

•••
Barrière -> Ancien campement de M. ALAIN : 5 km. Plus de 30 mn.
La piste, est assez mauvaise, et un véhicule tout-terrain est absolument indispensable. D'autre part, il y a beaucoup d'herbes hautes, il est donc nécessaire de protéger le radiateur du véhicule.

••••
Marche -> Baï : 2 km environ, soit 35 minutes de marche.


- La Nuit à l'Observatoire / Les Eléphants :

• Dans mes précédentes pages "Autour de Franceville / Les Eléphants de MOUPIA", j'ai déjà longuement parlé des 2 Baïs principaux de MOUPIA :
le Baï EKENGUÉ, qui est celui où a été construit une plateforme d'observation par le CIRMF, et léguée ensuite au WCS, et le Baï MPUGHU BANDJOGO, qui est beaucoup plus loin, et plus difficile d'accès. L'accès et les avantages de chacun d'eux peut se retrouver dans les précédentes pages, citées plus haut. Ici, ce sera mon 5ème voyage dans cet endroit, et en particulier la réalisation d'un souhait ancien : passer une nuit à l'observatoire.

Lorsque nous sommes arrivés au Baï, il était 16 heures environ de l'après-midi. Nous sommes montés à l'observatoire, et à notre surprise, les éléphants étaient déjà là. Il y avait 2 éléphants en train de se prélasser dans l'eau de cette mare. Nous sommes au mois d'octobre 2010, et j'étais en contact avec notre guide, Guillaume, pour savoir si avec la saison des pluies, les premières pluies avaient aussi amenés les premiers éléphants. Son message favorable, m'a encouragé à entreprendre cette action, de rester à la plateforme pour la nuit. Je ne dis pas dormir, car comme nous le verrons par la suite, je n'ai pas vraiment dormi. Habituellement en saison sèche, il y a très peu d'eau, et il n'y a pas d'éléphants qui fréquentent cet endroit.
Il faut savoir, qu'il est possible de dormir sans difficulté, en plantant sa tente, à l'emplacement de l'ancienne case de M. Alain, qui a vécu les dernières années de sa vie ici, et qui a été enterré à cet endroit. C'est ce que vont faire 2 collègues de passages de Moanda. Le Baï est proche, moins de 30 minutes de marche.

Nous montons donc sur la plateforme et nous commençons à prendre des photos. Les 2 éléphants sont là, à moins de 100 mètres. Mon zoom 100 / 400 mm CANON, est largement suffisant avec mon EOS 5D MkII pour cadrer parfaitement les animaux. La plateforme se trouve à 20m environ de la lisière de la forêt. Aucun arbre devant, juste un arbre de chaque côté de notre champ de vision, mais qui laissent une vue complète sur l'endroit. Plus loin, une petite vallée, enserrée entre notre observatoire, et la forêt qui reprend, de l'autre côté du Baï. La mare se trouve à moins de 100 mètres de nous. Il s'agit d'un affluent de la DJOUMOU, le fleuve nourricier de la région. Cette rivière ne fait pas plus de 15m de large et les eaux sont peu profondes, à tel point, que durant la saison sèche, les eaux ne coulent plus, et la mare se tarit. Aujourd'hui, après plusieurs pluies, on a un lent mouvement de l'eau qui coule tranquillement vers le bas. Puis, devant l'observatoire, cette rivière s'élargit sur plus 20 m et forme une mare, qui est l'endroit de prédilection des pachydermes. C'est le Baï d'Ekengué. Sur la droite, la forêt laisse un passage étroit vers la savane toute proche, et sur la gauche, elle reprend ses droits. Le Baï est donc cette petite prairie de 100m de large environ sur 500m de longueur.

L'intérêt de cet endroit, est sa proximité avec la ville de Franceville, moins de 3 heures pour être sur place, et très peu de marche.

Je ne suis pas donc très étonné de voir ces éléphants, car c'est la période propice. Le seul bémol, a été par le passé, le braconnage des villageois environnants, qui chassent les antilopes, les singes, voire les éléphants. Il suffit d'un abattage pour que les animaux désertent la zone pendant des mois et des mois. Aujourd'hui, il semblerait que la pression humaine ait diminuée et coïncide avec le retour des grands mammifères. Après avoir pris des photos, nous attendons tranquillement, à l'abri derrière un parapet de feuilles tressées. Il n'y a pas de vent, les éléphants de nous sentent pas. Nous ne parlons pas, ou seulement à voix basse, ils ne nous entendent pas. Les buffles, qui sont aussi présents par moment, mais pas aujourd'hui, ont une excellente vue. Les éléphants ont un excellent odorat. Tous les animaux entendent facilement les sons, surtout s'ils sont étrangers à la forêt. Dans la recherche des animaux, il faut donc être très silencieux, ne pas faire de bruit, ne pas faire de mouvements brusques, bouger le moins possible, et avoir le vent en sa faveur.
Vers 17h, une famille de 3 éléphants, un grand mâle avec sa femelle et son petit, arrivent de la forêt, au fond à droite. Ils se joignent aux autres. On est à 5 éléphants. Ils se baignent ensemble dans la vase nourricière. La peau sèche et de couleur beige grisée des éléphants, tourne immédiatement au noir, dès qu'elle est mouillée par l'eau. On voit donc la ligne d'immersion des éléphants, grâce à cette différence de couleur de peau. Le petit éléphanteau, qui ne doit pas être très âgé, compte tenu de sa taille, s'enfonce dans l'eau et disparaît presque complètement. Il veut rester dans le giron de sa mère.

Vers 17h 20, une deuxième famille de 3 éléphants arrive à nouveau et porte à 8, le nombre de pachydermes. Le grand mâle avance en tête et se dirige droit devant, vers les animaux qui sont déjà là. Comme s'il rencontrait un ami de longue date, il tend sa trompe, comme un homme tendrait une main à son copain, et il enlace la trompe du premier mâle. Une accolade d'amitié. Une joute amicale, comme une embrassade amicale, au bistrot du coin. Comme on se réunirait devant une bière commune, les éléphants jouent ensemble et se prélassent dans l'eau.

Puis 5 minutes après, toujours du fond à droite, apparaît un grand mâle solitaire, avec des défenses énormes, qui doivent faire presque 1 mètre de longueur, même si elles sont relativement fines. Il avance lentement vers la mare, suivi 5 minutes après par un petit mâle solitaire. Il y a maintenant 10 éléphants dans le marigot.

Avec l'arrivée de ce grand mâle, les choses vont changer, et l'espace se réduisant, des conflits d'autorité vont se déclencher. A son arrivée, il fonce sur un éléphant plus petit. Sa course soulève dans la mare, de grandes gerbes d'eau qui giclent jusqu'à presque 2m de hauteur. Le plus petit fuit immédiatement et laisse la place au plus fort, au dominant. Il va se placer à un autre endroit du marigot, moins profond et moins stratégique. La lutte pour les meilleures places va commencer.

Il est environ 17h30 ou 35, la nuit commence à arriver. Pour ne pas être pris par la nuit, les 2 autres personnes vont retourner au campement pour dormir, avec le guide Edouard. Guillaume va les accompagner sur une partie du chemin, pour ne pas qu'ils se perdent. Pendant presque 30 minutes, je vais rester seul. Quel bonheur d'observer les animaux. Il n' y a pas 5 minutes, que le groupe est parti, et que je suis seul sur la plateforme, que j'entends du bruit sur la gauche, très proche. Quelques secondes après, je vois passer au milieu du feuillage, dans une trouée judicieuse, des éléphants qui se suivent. Je me fais le plus petit possible, ils sont à moins de 20 mètres de la plateforme et j'ai l'impression qu'ils sont tellement près, qu'ils vont me voir et entendre les déclics de mon appareil photo. Ils passent en file indienne à travers une "autoroute" à éléphants, une piste de presque 1m de large par endroit, creusée par leurs passages répétés. Il est 17h40 ou 45, le soir tombe, il y a peu de lumière. Mes photos sont prises à 640 ISO et ma vitesse tombe immédiatement, au milieu des arbres, à presque 1/2 seconde. J'ai un flou de bougé énorme. Je monte à 3200 ISO, mais les éléphants sont sortis de la forêt juste devant la plateforme et se joignent aux autres. Il y a maintenant 13 pachydermes dans la mare.

Même pas 5 minutes après, j'entends de nouveau du bruit au même endroit, à gauche de l'observatoire. Cette fois-ci on va avoir une famille de 5 éléphants qui vont se suivre en file indienne pour rejoindre le Baï et se joindre aux autres. Les photos que je prends rapidement à leur passage ne sont pas très bonnes, mais sont un excellent témoignage. Peu de lumière, grande sensibilité et pose longue. Dans la mare, les 18 éléphants sont maintenant trop nombreux pour le peu d'espace et la crise du logement se fait sentir. Ce sont des batailles continuelles pour les meilleures places. Des poursuites, des courses dans la mare, des gerbes d'eau, des intimidations, des fuites, des querelles, des crises d'autorité, des jalousies. Toutes les formes de querelles de voisinage du quartier se retrouvent ici rassemblées. Une concentration animale avec ses problèmes de surpopulation.

18 éléphants au même endroit, dans ce Baï. Génial ! Je n'avais vu ça qu'au Baï de Langoué.


- La Sarabande des Eléphants :
Puis encore un peu plus tard, bien avant que le guide ne revienne, une nouvelle famille de 3 éléphants sort de la forêt au fond à droite. 21 éléphants. Puis encore une famille de 4. 25 éléphants. Guillaume revient de la piste et monte sur la plateforme. Il n'avait jamais vu ça, même s'il le soupçonnait. Son arrivée coïncide avec la venue d'un autre groupe de 3 éléphants qui passent à gauche de l'observatoire, à moins de 20m, portant à 28, le nombre de pachyderme dans le BaÏ. Ça devient onirique. Puis on va encore en voir arriver 3 autres. Le soir va tomber sur 31 éléphants dans le Baï. La nuit est presque là. Impossible de photographier le spectacle. Pour l'immortaliser, je vais monter encore en ISO. L'appareil le permettant, je vais passer au maximum, à 25 800 ISO. A cette rapidité-là, plus question de faire une photo artistique. Il s'agit seulement d'immortaliser une scène exceptionnelle, dans des conditions extrêmes, où je ne peux avoir qu'une photo avec énormément de bruit.

Les quelques dernières photos souvenirs, nous laissent avec la lumière qui disparaît définitivement du Baï. Plus de clarté. Plus de photos. Plus aucune vision. Nous sommes tous les 2 assis sur le sol de la plateforme, et nos yeux laissent la place à un autre sens. On entre maintenant dans le domaine fermé et étrange de la nuit, avec une absence totale de repères visuels. Seuls nous reste l'odorat, qui ne sert pas à grand chose à la distance où nous sommes, et les oreilles qui captent une foule de bruits. Cette obscurité coïncide avec l'apparition des bruits de la nuit. Des oiseaux crient au loin, des grenouilles ou des crapauds coassent régulièrement. Tous ces bruits de fonds sont enveloppés par les sons qui nous arrivent du marigot. A cet étrange instant, au moment où la lumière disparaît, les premiers barrissements surgissent dans la nuit. On sait qu'il y a une trentaine d'éléphants devant nous, dans la mare. Lorsqu'on regarde devant la plateforme, bien que nous ne voyions rien, on devine la forêt noire devant nous, comme une masse sombre infranchissable. Puis au-dessus de notre champ de vision, une bande légèrement plus claire correspondant au sable et à la rivière du Baï. Cette zone se devine plus qu'elle ne se voit. On ne voit rien, on ne voit aucun animal, on ne voit même pas de reflets dans l'eau qui a disparue avec la nuit. Au-dessus de cette auréole centrale plus claire, se trouve à nouveau une vaste zone sombre qui est la forêt du fond du Baï. Enfin au-dessus, de tout ça, la clarté, toute relative, du ciel. Pas de nuages en cette période de saison des pluies. Seulement des étoiles et au loin, des éclairs à peine visibles qui trouent l'horizon.

Avec Guillaume nous décidons de prendre toutes les précautions pour ne pas effrayer les éléphants et ne pas montrer notre présence. On ne parle pas, on chuchote. Très peu, car il n'y a rien à se dire. Il faut seulement écouter. On n'allume pas de lampe. On n'y voit rien. Je ne monte pas ma moustiquaire, car la toile blanche peut être éventuellement devinée comme une lueur, par les pachydermes, même sans lumière. On sait que la nuit sera longue et difficile, mais on n'est pas venus pour dormir, seulement pour voir les éléphants. Si on avait voulu passer une excellente nuit, on serait retourné au campement. On va donc rester sans parler, sans manger et sans lumière jusqu'au matin. La seule concession qu'on va s'accorder, sera de s'allonger sur le sol, pour se laisser bercer par les bruits de la nuit. Pas de moustiquaires, ça veut dire des papillons et des insectes volant au-dessus des têtes. Heureusement il y avait peu de moustiques. Seulement une dizaine de piqûres à déplorer. Puis les insectes rampants habituels, fourmis et blattes, mais en petit nombre.

Allongé sur le sol, on écoute et on laisse passer le temps. De temps en temps, dans le clair du ciel on voit passer rapidement des chauve-souris, qui disparaissent de l'autre côté de la forêt. Surgit de nulle part, de l'obscurité, elles transpercent le ciel plus clair. Taches sombres et fuyantes retournant dans le néant. Des lumières clignotantes ponctuent la nuit, jusque dans la plateforme : ce sont des lucioles. Petits insectes qui émettent de la lumière. On suit leur progression lente grâce à leur phare clignotant. Mais dans la torpeur de la nuit, notre ouïe est aux aguets. Des centaines de sons étranges en bruit de fond, et au-dessus de tout ça, les barrissement des éléphants. Toutes les 5 minutes, avec quelquefois des accalmies, on entend les éléphants manifester leur fureur. C'est l'eau qui gicle partout, les courses dont on suit la progression grâce à la direction du son, l'intensité qui nous renseigne sur la taille du pachyderme concerné, le barrissement dont la forme et la gravité du signal sonore nous indique si c'est un cri de colère, de lutte, de soumission, de discussion, de querelle, de contestation. On "sent" les pattes énormes qui pataugent dans l'eau, le clapotis des vagues soulevées, la boue et la vase qui remonte du fond la mare, les changements de situations, les gros mâles qui imposent leur domination, les plus petits qui fuient à distance respectables, les rassasiés, qui se mettent sur la touche pour laisser la place à leurs collègues. Des barrissements devant l'observatoire, un clapotis sur la gauche, puis un autre barrissement sur la droite, un peu plus loin. Puis de la forêt derrière nous, dans notre dos, un autre barrissement étouffé par la végétation, comme un cri feutré, prisonnier des arbres. Des familles sont dans la forêt, là où nous sommes passés il y a seulement quelques heures, aux mêmes endroits qu'ont empruntés les personnes qui sont reparties au campement. Puis les craquements des branches sur la gauche. Un groupe qui passe dans la piste à 20m de notre position, sans qu'on les voit, et qui rejoignent le Baï. On devine leur arrivée. Un barrissement les accueillent. Il n'y a plus de place. On leur lance un signal d'intimidation. Puis une vague soulevée dans le marigot, une poursuite, les pattes qui s'enfoncent dans la vase. Un poursuivant et un fuyard. Un fort et un faible. Qui est resté ? Qui est parti ? On ne le saura jamais. On ne sait qu'une chose, il y eu une lutte pour avoir de la place dans l'eau miraculeuse. Jamais de bataille sanglante, mais un strict respect des hiérarchies. Simplement des mises en garde pour faire respecter la loi du milieu !

Moment merveilleux, moment magique, moment inoubliable. Seul au milieu du monde secret des éléphants. L'esprit qui vagabonde. Pendant plusieurs heures, ce ne seront que cris, luttes, craquements de branchages, des allées et venues continuelles. On sait que des dizaines de passages ont lieu. Devant, venant ou rentrant dans la forêt, autour de l'observatoire. Des craquements derrière nous, sur la gauche un passage proche d'une famille, puis quelques minutes plus tard, des bruits furtifs sur la droite de l'observatoire. Un groupe vient de passer. Les barrissements devant nous, sont le signal de leur irruption dans le système. Je me dit que s'il y a autant d'éléphants, nous serons prisonniers de la plateforme et que nous ne pourrons même pas rentrer au campement et à la voiture, si tous ces éléphants qu'on devine, sont au milieu de la forêt. Impossible de quantifier leur nombre. Ils étaient 31 lorsque la nuit est tombée. Mais les venues continuelles pendant plusieurs heures et les départs, qu'on n'a pas perçu, indique que peut-être plus d'une cinquantaine d'éléphants ont passées la nuit dans ce Baï.

Impossible d'imaginer ce monde secret sans être resté là. Couchés à même le sol en bois de la plateforme, nous n'avons pratiquement pas dormi. Mais le but n'était pas là. Nous n'étions pas venus pour se reposer, mais pour pénétrer dans ce monde merveilleux de la nuit en forêt. Les fatigues et les aléas de la nuit seront reportés à plus tard.

Vers minuit, la lune, aux trois-quarts, va se lever, et en 10 minutes, tous les éléphants vont quitter le Baï. Bien qu'on n'y voit rien, on va s'en rendre compte en entendant la diminution des luttes dans la mare. Plus de pieds qui pataugent dans l'eau, plus de vagues. On entend aussi, les pas légers des masses des pachydermes qui s'éloignent petit à petit. Au petit matin, à l'aurore, alors que les premières lueurs montent au-dessus de la forêt, le Baï sera vide. Le jour va se lever.

Il est clair que la meilleure période pour voir les éléphants est aux alentours de la fin de journée. A partir de 16h30, les premiers animaux arrivent ou sont déjà là. Entre 17h et 18h 40, qui correspond à la période où on peut encore voir quelque chose avant que la nuit tombe, est le moment idéal. Après 17h30, il faut absolument rentrer au campement, si on ne veut pas être pris par la nuit, période dangereuse en forêt, où on peut croiser des éléphants et être chargé par eux. Vouloir rester passer la nuit à l'observatoire implique d'en observer les règles. On ne doit pas déranger les animaux, sinon, ce n'est pas la peine de passer la nuit là-bas, mieux vaut rentrer au campement. Dans le cas où on reste sur place : pas de bruit, pas de paroles, à peine peut-on chuchoter, pas de lumière, pas de tente, pas de moustiquaire pour éviter que la lueur puisse être vue par les pachydermes. Il faut donc accepter de ne pas trop manger et de rester une nuit sur le sol, à attendre et à écouter. Le miracle est à ce prix.








Nuit à l'Observatoire / Les ELEPHANTS de MOUPIA / Jean-Louis ALBERT / Vendredi 29 Octobre 2010.


















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