- La Marche vers l’Inselberg de MINKÉBÉ -

- Création de la Page : Mai 2013

• Dans un monde hors du temps et de toute civilisation, la majesté de ces massifs rocheux émergeant au milieu de la forêt. Habituellement vus d’hélicoptère ou d’avion, ils sont difficiles d’accès. Après 2 jours de pirogue, et 75 km de marche à travers la forêt et les marigots, le spectacle est éblouissant. C’est l’expédition la plus difficile que j’ai réalisé, mais le but vaut tous les efforts. Non sportifs ou non motivés, s’abstenir.
• Le fameux « Gros Cailloux » est l’un des 12 ou 15 inselbergs qu’on répertorie dans la région. C’est le plus haut mais aussi le plus emblématique d’entre eux.
• Dans cet univers tout droit sorti de la préhistoire, Conan Doyle aurait pu trouver ici, l’inspiration pour écrire son “Monde Perdu“.
• La marche exténuante vers le “Gros Caillou“, ce fameux inselberg magique qui offre, après l'avoir conquis, un panorama grandiose ainsi qu'une immense satisfaction pour l'avoir “fait“.


Remerciements : Je remercie particulièrement M. Joseph OKOUYI, Conservateur Senior des 3 Parcs Nationaux Ivindo, Minkebe et Mwagna, pour son aide et son implication dans la logistique de cette expédition.

Le Piton de L’Inselberg “Le Gros Caillou“ :

MINKEBE-Inselberg-Vue-sur-le-Piton-et-la-Foret-13E5K3IMG_92457wtmk-Web1

L’Equipe au Sommet :

MINKEBE-Inselberg-Equipe-au-Repos-au-Sommet-13E5K3IMG_92479wtmk-Web1


Vue sur la Forêt depuis le Sommet du Piton :

Inselberg-Pano-2awtmk-Web


Carte de Situation des Inselbergs :

Carte-Gabon-les-Inselbergs-de-MINKEBE-01-Web


Carte de la Marche vers l’Inselberg “Le Gros Caillou“ :

Carte-Minkebe-Inselberg-GoogleB-Web



- Le Matériel Photo :



• Toutes les photos ont été réalisées avec le matériel suivant :
---- Appareil CANON EOS 5D MK III avec zoom CANON 28/300 mm F3,5-5,6L IS USM ou zoom CANON 24/70 mm F2,8.
---- Les macros ont été faites avec un objectif CANON 100 mm F4 IS Macro USM
---- Flash CANON Speedlite 580 EX II




Bouton Bleu Photo Inselbergs de MINKEBE 450x52



- La Marche vers l’Inselberg -



-
La Marche vers l’Inselberg de MINKÉBÉ :
•• Campement 2 -> Inselberg (Marche allée) : 37,22 km de marche, soit plus de 12h 30 de marche.
•• 
Inselberg -> Débarcadère : 36,2 km, soit plus de 12h de marche.

••
Campement 2 -> Campement 3 : 18,7km, soit plus de 9h30’ de marche.
•• 
Campement 3 -> Sommet Inselberg : 18,2 km soit plus de 8h 40’ de marche.

•• 
Sommet Inselberg -> Campement 4 : Environ 2 km.
Nous avons dormi à mi-hauteur du sommet, dans la forêt. Nous avons marché sur 2 ou 3 km environ entre les allées et retours.
••
Campement 4 -> Campement 5 : 22 km de marche après avoir plié le campement 2, sur plus de 10h22’.
••
Campement 5 -> Débarcadère : 12 km de marche pendant plus de 4h15’.

La marche aller / retour du Campement 2 à l’Inselberg (le “Gros Caillou“) sera de plus de 72 km, proche de 75 km.


MINKEBE-Inselberg-Campement-2-Lit-JLA-avec-Descente-de-Lit-en-Feuilles-Marantacees-13E5K3IMG_92308wtmk-Web
- Le Campement 2 :
• Nous sommes au débarcadère où nous avons laissé la pirogue. Nous avons sorti les sacs à dos, la nourriture, les packs d’eau Andza, et tout le matériel de couchage. Les jerricans d’essence ont été enlevés de la pirogue et mis sur la terre, bien à l’abri au cas où le niveau de l’eau monterait.
On entreprend de dégager un espace pour notre camp. A 30m de la pirogue, il y a un espace couvert de marantacées, ces grandes plantes à larges feuilles, qui envahissent tout sur 2 à 3m de hauteur, dès qu’un peu de lumière atteint le sol. Chacun avec sa machette dégage un espace de plusieurs m2. Pour éviter les désagréments de la nuit dernière, on place la bâche de 6m x 4m sur une longue branche tenue par 2 fourches. Les anneaux sont tendus avec de la cordelette et attachés aux arbres environnants. Le feu est fait à 3m environ. Mais tout le matériel est à l’abri.

L’équipe a monté ses tentes, les unes à côté des autres pas très loin du feu. Philippe et Stéphane, pour récupérer de la nuit précédente ont monté ma tente qu’ils vont occuper. sur le côté droit du camp. Moi, j’ai découpé 8 fourches et 2 longs bâtons de 230 cm environ et je vais monter mon lit de camp. Après avoir démonté un lit picot que j’avais acheté à Libreville, j’avais récupéré seulement la toile forte. J’avais également laissé les armatures, certes pratiques, mais très lourdes, à Libreville. Je passe donc les 2 longues branches sur les longs côté de la toile, et je le maintient en l’air, décollé du sol, par des fourches plantées dans le sol. Après avoir dégagé la zone pour mettre mon lit de camp, la terre apparait et avec la pluie qui peut tomber, ça risque de créer un tapis de boue. Je vais donc couper des grosses feuilles d’arbustes autour du camp, en particulier
d’Anthocleista vogelii qui sont abondant ici. Ses larges feuilles, posées à même le sol, servent de descente de lit et de tapis pour poser les sacs.
Pour cette nuit, près de la rivière, j’avais mis la moustiquaire, attachée par un anneau eu une petite ficelle sur 2 fines branches mises en arc au-dessus du lit. Le rêve. Je suis sous la bâche, je ne risque donc rien si il pleut.

La pêche a permis de rapporter quelques poissons qui ont été servis en bouillon que j’ai gouté et qui est excellent. La nuit, il n’a pas plu, ce qui est une excellente chose. Sur mon lit picot, je n’ai pas eu froid, bien que je n’ai pas eu de couverture, mais c’était limite. Par contre c’était agréable d’être à l’air libre. Le matin, au levé du jour, les premières abeilles ont fait leur apparition. Elles vont être de plus en plus nombreuses. Ça ne nous empêchera pas de prendre un petit déjeuner.
Ensuite, on a mis la pirogue le plus possible à l’abri. On a réparti les charges de nourriture, et le matériel de couchage sur chacun. Le reste du matériel a été laissé sur place, les moteurs, la tronçonneuse, de l’eau et des conserves pour les repas du retour. On a plié le tout dans une bâche avec des branches dessus pour éviter que le vent et la pluie ne les mouille.
Vers 7h30, on levait le camp et on commençait la marche.

Derniers Préparatifs avant le Début de la Marche :

MINKEBE-Inselberg-Campement-2-Preparation-a-la-Marche-avec-JLA-et-Pisteurs-13E5K3IMG_92316wtmk-Web1

• La Nourriture :

Nous avions acheté des conserves à Libreville. On avait prévu pour midi des boîtes de sardines, qui se mangent facilement, ainsi qu’un saucisson ou de la saucisse sèche. Pour le soir des conserves qu’on peut chauffe comme des lentilles, des raviolis ou autres conserves. Nous avions prévu aussi des pâtes, faciles à préparer le soir. Pour le déjeuner du matin, des sachets de café capuccino qui se préparent facilement. On les prend avec plaisir avec des biscuits secs. C’est la solution idéale. Peu encombrant, il y a la-dedans, le café, le sucre et le lait, plus peut-être quelques produits chimiques qu’il vaut mieux ne pas approfondir. Pour obtenir un capuccino onctueux comme le nôtre, il est évident que la chimie alimentaire est passée par là, avec ses additifs et ses émulsifiants ! Mais c’est simple et efficace. Pour le déjeuner, en, plus des biscuits, nous avons des fruits secs, abricots séchés, figues et dattes sèches. Ce sera la partie sucre du matin pour nous re-booster.
Pour chaque jour, nous avions déjà préparé des sacs en plastique avec la nourriture pour chaque jour, midi et soir. Autant de jours, autant de repas de midi et de repas du soir, avec un jour supplémentaire, au cas où ? Ils sont marqués M1, S1, M2, S2 … (M1 pour Midi journée 1, S pour Soir journée 1, etc).
Il nous restera pour le premier jour, un peu de pain en tranche.

• Les Pisteurs :
Tout le monde ici est polyvalent. ils connaissent tous la forêt et à tour de rôle ils vont être en tête pour faire le chemin. Le plus habitué, après Roger, sera Jean-Roger qui marchera longtemps en tête et nous épatera par son expérience et son sens inné de l’orientation en forêt. Moi j’ai toujours eu besoin du GPS pour me repérer. Eux, savent quasi instantanément où ils sont. Approximativement, car de temps en temps il faut corriger.
Pour la charge, on doit saluer l’extrême endurance de toutes les personnes qui nous accompagnent et qui portent des charges que nous, européens de la ville, nous aurions du mal à porter sur de longues distances. De Roger à Jean-Robert, en passant par Léopold et les autres, tous auront des sacs importants et nous montrerons leur adaptabilité à ce terrain dont ils connaissent les moindres ressources.

Minkebe-Inselberg-JLA-Suivant-la-Direction-de-Marche-au-GPS-STB-DSC00376awtmk-Web
• La Marche :
• Le début de la marche commence par une petite montée à gravir sans trop de difficulté. Il n’y a pas de chemin, ni de sentier, mais la forêt est claire. Contrairement à l’endroit de notre deuxième campement de la nuit, près de la pirogue, qui était dans une zone de lumière et couverte de marantacées, jusqu’à 2 à 3 mètres de hauteur, ici, on voit relativement loin. Tout est relatif, il n’y a pas de buissons touffus et la vision peut porter à plusieurs dizaines de mètres. On marche à la file indienne. Devant se trouve Roger qui sert de pisteur, puis derrière vient Junior. Nous sommes tous les trois derrière eux et en fin de marche, restent Jean-Robert, Léopold, Rodrigue et Célestin. Cet ordre variera au cours du temps, mais il y aura toujours 2 à 3 personnes devant nous et 3 à 4 personnes pour fermer la marche. Nous croisons de grands arbres, très vite un Uapaca dont les racines à échasses sont impressionnantes. Puis une empreinte d’éléphant laissée il y a peu de temps. D’innombrables lianes pendent des sommets des arbres et tombent sur le sol dans des arabesques fantastiques. Des lianes droites, d’autres torsadées, d’autres entrecroisées à plusieurs. Leurs décoration varient à l’infinie. Un peu plus loin c’est un Ebo (Santiria trimera) qui ressemble au Uapaca, avec des racines à échasse énormes, mais avec le différence que ses racines sont plates, alors que celles du Uapaca, sont rondes.
Un peu plus loin, dans la marche, ce sont des gousses de
Okan (Cylicodiscus gabonensis), longues de plus de 1m, qui jonchent le sol.

Passage Difficile d’un Marigot avec la Boue :

MINKEBE Inselberg Foret JLA Passant un Marigot avec la Boue aux Genoux 13E5K3IMG_92588wtmk


• Le Marigot / La Boue :
Très vite nous redescendons de l’autre côté de cette petite colline et dès que nous atteignons le bas, nous traversons notre premier marigot. Il faut avoir à l’esprit que chaque fois qu’on descend, on va invariablement vers un petit ruisseau, qui en cette saison des pluies, regorge d’eau, et qui s’étend paresseusement sur une centaine de mètres de chaque côté de son lit. Cette eau, présente avec la terre crée une vasière, dans laquelle il et impossible de ne pas se mouiller les pieds. Dès qu’on aborde cette zone, on essaye de faire en sorte de mettre les pieds sur les pieds de plantes marantacées qui sont par là, ou les fougères. On s’agrippe aux plantes, on saute de pied de plante en pied de plante, puis la chaussure glisse et on patauge dans la boue qui commence à recouvrir les chaussures. C’est le premier bourbier et celui-ci n’est pas très profond. La boue recouvre seulement les chaussures. Quelques dizaines de mètres plus loin, on traverse un petit ruisseau dont la profondeur n’excède pas les quelques centimètres. On essaye de se laver les chaussures, mais il n’est pas assez profond. Les chaussures resteront avec la boue dessus. Les quelques mètres du ruisseau nous emmènent de l’autres côté, où de nouveau on patauge dans la boue.

• L’Orientation :
Personne n’a fait le trajet jusqu’à l’Inselberg le plus gros, le plus connu, celui qui sert au même titre que le pont de liane de Poubara, de figure emblématique du Gabon. Cet inselberg se voit sur toutes les images du pays. Il est connu sous le nom de “Gros Caillou“. Dernièrement, Roger a été jusque là-bas en hélicoptère pour se joindre et servir de guide à des militaires en formation. Il y avait été semble-t-il, il y a peut-être 2 ans. Par contre pas de chemin tracé, pas de piste, pas de repère. Ici, il n’y a aucun village, aucune personne qui vive dans cette zone perdue, à l’exception des braconniers. Nous sommes seuls. Personne de l’équipe ne connait le chemin.

Lorsque nous sommes partis du campement 2, le GPS indiquait une distance à vol d’oiseau de 22 km environ. On nous avait donné le point GPS de l’Inselberg, ce qui nous a permis de se situer. Bien sûr par la piste, la distance est multipliée par 1,5 à 2. Pour une distance de 20km, soit 44 km aller / retour, on va marcher sur plus de 72 km !

MINKEBE-Inselberg-JLA-en-Recherche-de-la-Direction-a-Suivre-13E5K3IMG_92667wtmk-Web
Nous savons que le but se trouve vers le nord-ouest. Donc on commence à marcher en empruntant la sortie possible du campement 2, qui est en direction du nord, par un endroit dégagé. Après avoir passé le premier marigot, la marche proprement dite commence. Avec le GPS nous savons que nous devons aller dans une direction que nous montrons au pisteur. Actuellement c’est Roger qui est devant. Pour des raisons de facilité il est préférable d’utiliser les pistes à éléphants. Celles-ci représentent, en comparaison avec les zones touffues et impénétrables à Marantacées, des autoroutes faciles pour marcher. Par contre, ces pistes creusées par le passage répété des gros animaux, n’ont pas pour but d’aller à l’Inselberg, elles sont aléatoires, et correspondent plutôt à des habitudes animales recherchant de la nourriture ou des salines, dans lesquelles ils trouvent des sels minéraux. Le but est donc de profiter au maximum de ces larges pistes et de les quitter lorsqu’elles s’éloignent trop de la direction voulue. Lorsqu’on dit large, tout est relatif, il s’agit simplement d’une piste ou plutôt d’un sentier d’une cinquantaine de centimètres de large, avec peu d’arbustes ou de plantes. Ceci n’empêche pas de passer sous des touffes végétales qu’il faut agrandir à la machette.

Roger marche donc devant et toutes les 5 minutes, nous faisons le point. On marche en suivant la piste à éléphant. La direction suivie nous indique que le soleil doit être constamment sur notre droite, un peu à l’arrière. Ce n’est pas toujours facile à mettre en pratique. Donc on prend la piste qu’on suit sur une centaine de mètres. Le déplacement est assez rapide. On marche vite ou relativement vite. Le soleil est toujours sur la droite, donc on laisse faire. Puis insensiblement la piste tourne vers la droite, on voit le soleil qui se déplace vers notre face. Le GPS nous montre aussi que nous bifurquons. Dans ce cas-là on avertit Roger en lui disant “sur la gauche“. On poursuit en restant aux aguets. Certaines fois la piste reprend la bonne direction vers la gauche et on poursuit. D’autres fois, la piste continue ostensiblement vers la droite, et là, il faut prendre une décision. De lui-même Roger s’arrête. On se rapproche et on regarde autour. On lui dit alors c’est par là. Le soleil caché par les nuages n’apporte pas de solution temporairement.
En disant par là, on montre une direction avec la main, qui est ostensiblement perpendiculaire au sentier facile que nous suivons. Cette direction plonge dans la forêt.

• La Marche du Serpent :
Toute la Marche n’a pu se faire qu’au GPS et grâce aux connaissance de la forêt de toute notre équipe gabonaise. Par contre je me suis posé la question de savoir comment on aurait procédé si on n’avait pas de point GPS valide. Roger me dit tranquillement, que dans ce cas, on aurait adopté “La Marche du Serpent“. Comme son nom le laisse supposer, ça consiste à faire des ondulations comme le serpent, c’est-à-dire de faire des allers et retours près des endroits qu’on estime proche, jusqu’à ce qu’on y tombe dessus. Autrement dit, on n’a plus aucune notion du temps de marche, des kilomètres à parcourir et des journées qui vont défiler. Autant dire qu’on peut bénir l’invention du GPS qui nous a permis de faire cette expédition dans des temps, que la ‘
“Marche du Serpent“ n’aurait pas permis. Le nom de cette technique est très évocateur.

• Les Coupes :
En même temps qu’il marche le pisteur suit les pistes à éléphants qui se coupent, se recoupent, s’entrecroisent. Si aucun signe n’est fait, en l’absence de GPS, il est quasiment impossible de retrouver son chemin. Ce n’est pas du tout le cas de ces habitants de la forêt. A chaque changement de piste, Jean-Robert, donne un coup de machette sur un arbuste et le fait tomber dans le sens de la marche. Lorsqu’il veut montrer par quelle piste il est passé, il peut, lors d’un croisement faire tomber la branche sectionnée, en travers du chemin qu’il n’a pas pris. Régulièrement il coupe des branches, des plantes qui tombent dans le sens de la marche. Tous ces signes font que les personnes qui sont derrière, retrouvent le passage emprunté par le pionnier. Ceci explique pourquoi nous mettrons beaucoup plus de temps à l’aller qu’au retour.
A l’aller, il faut chercher son chemin au GPS, analyser les pistes, voir leurs directions, changer de stratégie, couper à travers des massifs de marantacées, s’arrêter pour observer et trouver le meilleur passage. Au retour tous ces signes, existent et il n’y a plus grand chose à faire, si ce n’est de repérer les coupes. Mais tout ça dépend du nombre de
coupes faites par l’éclaireur. Si les coupes ne sont pas suffisantes, il faut forcément perdre du temps à rechercher le chemin. La colonne s’arrête donc et 2 ou 3 personnes partent dans les directions opposées à la recherche d’un signe. Ils avancent, et lorsque l’un d’eux a repéré la coupe manquante, il appelle tout le monde. De là où on se trouve, on essaye de repérer l’endroit d’où vient le son, et on coupe à travers la forêt pour rejoindre l’endroit d’où l’appel est venu. On se regroupe et on continu. C’est beaucoup de temps perdu et surtout une incertitude pour suivre le chemin déjà tracé. Ceci nous arrivera au retour, lorsque nous nous rapprocherons de l’embarcadère. Le peu de coupes faites au début de notre marche nous pénalisera pour suivre le bon chemin. Nous serons obligés, à plusieurs reprises, de faire appel au GPS, pour retrouver notre chemin. Quelle bonne invention !
Si les coupes sont trop nombreuses, c’est du travail inutile, du temps perdu, et de la fatigue qui s’accumule pour le pisteur. L’idéal est donc de trouver le bon compromis. Pas toujours facile.

MINKEBE-Inselberg-JLA-et-les-Pisteurs-Traversant-une-Riviere-13E5K3IMG_92401wtmk-Web
• La Marche et les Passages Difficiles :
On sort de la piste. Roger coupe donc les branches et les plantes qui obstruent notre passage. A partir de cet instant, la progression ralentit énormément. Chacun colle derrière celui qui est devant et attend que le pisteur, en l’occurrence Roger, fasse le chemin. On marche lentement, très lentement. On s’arrête et on attend, on avance de 4 ou 5 mètres, puis on s’arrête de nouveau. Nous, on contrôle au GPS. La visibilité à cet endroit est quasi nulle. Nous passons dans un bosquet de plantes, une zone un peu plus accessible au soleil et où les plantes basses ont proliféré. Cette zone de plusieurs centaines de mètres est notre point de passage obligé. Elle nous emmène dans la bonne direction. Nous passons dans un tunnel ou les marantacées coupées forment un tapis par terre. Au passage tout le monde se baisse pour passer la tête sous les branches qui restent. Le sac lui, s’agrippe à une petite liane qui reste pendante. On tire, mais elle résiste. Celui qui est derrière nous aide, il pousse la liane vers le haut et libère le sac. Puis 1m plus loin, c’est la bouteille d’eau, dont le goulot est arrêté par une autre liane, qui s’étire longuement, avant de se tendre au maximum et de bloquer l’avancée. Je m’arrête, je dégage le goulot de la bouteille, puis je repart, Stéphane qui est devant passe sous un jeu de lianes, il dégage lui aussi une branche, qui me revient comme un boomerang dans la figure. Elle me cogne le front. Je ressens le choc. Je continue, tout le monde avance, je ne vois pas une branche coupée en biseau, elle me rentre sur la joue, je passe instinctivement la main, un peu de sang coule, je marche, je me baisse à nouveau. Une liane que je n’avais pas vu, pas plus grosse que 5 millimètres, tombe sur ma tête, je continue, elle s’enroule autour du cou. Malheureusement, c’est une plante grimpante à épine, je passe la main pour me dégager, elle se libère non sans m’avoir lacéré la poignet. Je continue, j’évite une nouvelle branche retenue devant par Stéphane qui avance, que je pare avec le bras droit. Mon bras gauche esquive une autre plante à épines. Elle me griffe sur le dessus du bras. Puis dans le feu de l’action, je ne vois pas cette souche de 20 cm sur laquelle je butte et me fais presque tomber la tête la première, ou un moignon de branche accroché à un tronc mort et sur lequel ma jambe cogne en me martyrisant le tibia.
Ces lianes sont longues de plusieurs mètres et s’apparentent à des plantes grimpantes plutôt qu’à des lianes. Elles se développent au niveau du sol et se servent des autres arbustes et plantes pour progresser en hauteur jusqu’à quelques mètres. La progression sous ces buissons est extrêmement lente. Les troncs, les souches qui émergent du sol, sont autant de pièges qui peuvent enrayer la progression.
A la sortie de ce tunnel je regarde par hasard mes mains et mes bras et je vois du sang sur la peau. Ce n’est pas grave, il va disparaître avec la sueur et avec la prochaine rivière. On retrouve en sortie une forêt plus claire qui nous permet de progresser. On grimpe un peu. Puis on redescend. J’appréhende toujours la descente, car au creux, il y a toujours une rivière, de l’eau et surtout de la boue.

MINKEBE-Inselberg-Campement-5-Fourmis-Magnans-Devorant-notre-Saucisson-13E5K3IMG_92633wtmk-Web
• Les Fourmis Magnans :
Après un moment de marche, on entend un cri venant de la tête de la colonne : “Des Magnans“. Tout le monde regarde le sol et court aussitôt pour passer cette zone à fourmis. Près du débarcadère, après avoir reçu ce message, derrière nous quelqu’un dit, que ce ne sont que des termites. En effet sur plusieurs mètres de large, il y a des milliers et des milliers de termites bien reconnaissables à leur abdomen blanc. Elles ne sont pas agressives, mais il ne faut pas s’attarder dessus car elles peuvent s’agripper et monter dans les vêtements.

A 2 ou 3 reprises, vers la même zone, on tombe sur des colonies de termites, mais par la suite, ce seront vraiment des magnans. Ces fourmis qui vivent en colonies et qui se déplacent pour chercher de la nourriture, ou changer de territoire. Même en courant au plus vite, il est extrêmement rare qu’on puisse passer sans que quelques-unes d’entre elles s’agrippent aux chaussures. A plus forte raison si on marche tranquillement. Ce n’est en général que 50 mètres plus loin, qu’on sent des piqures au mollet ou des fois, beaucoup plus haut. En remontant le pantalon, on aperçoit sans difficulté des soldats aux griffes énormes plantées dans la chair et qui se tortillent frénétiquement. On peut les attraper et tirer, la tête reste dans la chair et il faut l’enlever elle aussi. Il est difficile d’imaginer comment de si petits insectes peuvent provoquer des douleurs aussi intenses. Il est probable que des acides formiques ou autres sont introduits dans les morsures et provoquent ces brûlures qu’on ressent avec intensité.

La meilleure défense lors de ces passages, est de courir le plus vite possible, de sauter au-dessus des grosses colonnes et surtout de poser juste la pointe des pieds par terre.

• Le Marigot / La Boue :
Arrivé au fond, la piste continue vers le soleil, alors que nous, nous devons aller sur la gauche. On fait une halte. Roger qui manipule la machette depuis presque 1h30, a le bras fatigué. Un coup d’oeil sur le GPS nous démoralise. On n’a progressé que de 1,5 km. Si peu ? Oui, la progression est lente, sauf sur les pistes à éléphants, ce qui ne dure que quelques dizaines de mètres, au plus une centaine de mètres. On demande à Jean-Robert de passer devant. Il prend la machette et ne va pratiquement plus quitter la tête jusqu’au bout. Il regarde la direction qu’on lui montre. On lui explique que le soleil doit rester sur la droite. Il est perplexe, la zone est touffue. On attend. Il s’avance de quelques mètres pour ausculter la zone. Il regarde à droite, puis à gauche. Il donne quelques coups de machette et il pense trouver quelques repères qui lui indiquent qu’on peut essayer de passer par là. Il se résout à nous appeler : “Par ici“.
Nous suivons donc. Il avance à la machette. Arrivé à l’endroit où se trouvait Jean-Robert, je vois que le ciel comporte une trouée. Je suis devant un mur végétal de larges feuilles de Marantacées, dont des
Aframomum sp, et des plantes dont les pieds dans l’eau, pourrait les rapprocher de Marantochloa sp, sans en être sûr. Je suis derrière Philippe et Stéphane qui ont pris de l’avance. Je vois les traces devant moi, qui ressemblent à des chaussures moulées dans la boue. Je mets un pied dans la boue en essayant de viser le pied d’une plante qui me servira de base. Le pied reste relativement ferme. Puis je vise un touffe de feuilles, elle s’écrase, mon pied s’enfonce, la boue recouvre la chaussure. La charge sur le dos qui est très lourde (pour moi et pour mon âge) me fait plier sur la droite en accentuant le mouvement comme de l’eau dans une citerne à moitié remplie. Je m’agrippe aux tiges des plantes sur le côté droit. Je regarde l’endroit où je peux mettre mon pied gauche. Je tire dessus. La boue aspire le pied qui refuse de sortir. Je sens la boue liquide qui rentre dans ma chaussure. Le pied semble plus frais instantanément. Je tire encore, le pied gauche suit. Je le pose devant, je suis un peu déséquilibré, je me tiens sur des tiges à gauche. Je saute avec mon pied droit qui ne trouve pas de plante devant pour se poser. Elles ont toutes été enfoncées dans la boue par les passages de mes prédécesseurs. Mon pied droit ne s’enfonce que jusqu’à la cheville. Je fais passer le pied gauche en suivant. Il ne trouve pas de zone dure. Je le pose là où je peux, il s’enfonce, je pousse dessus pour me sortir, il s’enfonce, la boue grimpe jusqu’au mollet puis jusqu’au genou. Je rencontre du sol dur. Je m’agrippe à des tiges avec la main droite, je tire dessus, elles s’arrachent, j’en cherche d’autres, je plonge les mains dans la boue à la recherche d’un point d’appui, je le trouve, je tire sur mon pied gauche, il est comme aspiré par la boue, j’insiste. Il vient lentement, très lentement. Je sens le pied gauche s’en sortir. Dès qu’il est sorti je le passe devant en vitesse et c’est maintenant le pied droit qui est dans la boue qui monte au genou. Je sens les muscles de mes jambes et de mes cuisses qui tétanisent par les efforts. On dirait une crampe qui menace de se manifester par les efforts de la marche depuis 2 heures, de la charge sur le dos et des efforts répétés pour se sortir de la boue.
Enfin une souche, je mets le pied et il ne s’enfonce pas. Les autres sont 5 à 6 mètres devant moi et ont les mêmes difficultés. Derrière j’entends les mêmes jurons et les soufflements des collègues qui s’enfoncent aussi dans la boue. Puis une aire de 3 mètres au sec, avec de la terre dure. On s’agrippe à un arbre qui nous permet de le contourner. On traverse sur un tronc d’arbre couvert de mousse sur 5 mètres, en voyant la boue en dessous, puis on recommence le cinéma. On remet les pieds dans la boue. Avant de passer à mon tour, je regarde mes jambes. La boue monte au-dessus des genoux sur le pantalon, les chaussures sont méconnaissables et sont un bloc de boue. Cette fois-ci j’entends un avertissement : “Attention il y a un arbuste à épines“. En effet après avoir mis le premier pied dans la vase, on a tendance à cherche quelque chose pour s’agripper, et là, on ne trouve que cet arbuste dont le tronc est couvert de myriades de longues épines fines. Hors de question de le toucher. Par mégarde, au retour, Philippe y mettra les mains. Ce qui lui fera quelques frayeurs.
Minkebe-Inselberg-JLA-Passant-dans-une-Riviere-STB-DSC00330awtmk-Web

La progression continue dans la boue et les plantes aquatiques, puis c’est un petit ruisseau, dont l’eau n’est pas très profonde, mais qui permet de se laver les chaussures. On remonte le ruisseau sur 20 à 3 mètres en recherchant les endroits les plus profond pour se nettoyer les chaussures. On sent avec plaisir l’eau fraîche qui recouvre les chaussures et qui pénètre dans les chaussures. Quel bonheur ! On s’arrête quelques instants. Je me mets de l’eau sur la tête à plusieurs reprises pour me rafraichir et je me lave les mains. Un instant de fraicheur vite parti par la marche et les efforts.

Peine perdue car après le ruisseau, la boue recommence avant d’atteindre la terre ferme. Cette fois-ci on ne va pas s’enfoncer jusqu’au genou. Ce ne sera qu’un répit. Durant notre marche, il y a environ un bourbier à passer tous les 2 kilomètres environ. Le scénario se répètera donc souvent, ce qui me semblera une infinité de fois.

MINKEBE-Inselberg-Restes-Elephant-1-Mort-avec-Defenses-13E5K3IMG_92345wtmk-Web
• L’ Eléphant Mort :
De l’autre côté du marigot, la terre reprend ses droits et on commence à gravir une colline. On retrouve la piste à éléphant. Quel plaisir de marcher hors de la boue ! Après ce qu’on a vécu, on imagine sans peine le bonheur qu’on peut avoir de marcher sur une terre ferme sans plante, ou avec peu de pièges. On passe devant un trou de 5 ou 6 mètres de longueur, rempli d’une eau boueuse qui a servit, il y peu de temps de baignoire à un éléphant, dont on voit les traces à côté. On continue notre marche et on tombe sur une carcasse d’éléphant dont il en reste que des ossements. Un peu plus loin, nous découvrons les 2 défenses de cet éléphant, dont l’une a été rongée par des porcs-épics ou des potamochères. Rodrigue va les récupérer pour les amener comme témoignage au conservateur du parc. Cet animal a vraisemblablement été blessé par un braconnier avant de venir mourir ici, à plusieurs kilomètres de son lieu d’abattage.
Philippe prend le point GPS pour le communiquer aux autorités. Lors de notre marche, nous tomberons sur 4 squelettes d’éléphants. C’est dire l’importance du braconnage dans cette région. De toutes les marches en forêt que j’ai fait, il est incontestable que c’est ici, qu’on est tombé sur le plus grand nombre d’ossements.

• La Pose :
Après tous ces efforts, vers 12h, au passage d’une rivière moins boueuse que les autres, nous nous asseyons et nous mangeons un peu. C’est le moment de faire le point sur notre progression qui est lente. Le trajet qu’il nous reste nous casse le moral. Beaucoup reste à faire. Nous sortons les boîtes de sardines que nous mangeons avec appétit. Nous avons de l’eau. Les gabonais, habitués à la forêt forment un verre en récupérant une feuille de marantacée large. Ils l’enroulent sur elle-même et forme un entonnoir qui sert de verre. Ils la plonge dans le ruisseau et boivent cette eau. Curieusement l’eau chargé de limon et de matières végétales, a une couleur orange foncée, ce qui lui donne le nom d’eau noire. Moi, peut-être à cause de mon âge, je suis obligé de boire fréquemment, contrairement aux autres, y compris Philippe et Stéphane qui ont besoin de moins d’eau que moi.

MINKEBE-Inselberg-Pose-pour-Recherche-du-Chemin-13E5K3IMG_92329wtmk-Web
• Les Animaux :
Cette région a subit 2 fléaux qui ont réduit à néant la population animale. Tout d’abord une épidémie due au virus Ebola qui a décimé il y a 2 décennies, les grands primates (chimpanzés et gorilles), et le braconnage actuel qui lui a éliminé une grande partie des gros mammifères, en particulier les éléphants. Nous avons été surpris par la pauvreté biologique de ce milieu. Nous avons croisé à plusieurs endroits des restes de foyer de braconniers au milieu de la forêt.
Il est vrai aussi, que 9 personnes avançant dans la forêt ne le font pas forcément en silence. Pourtant nous nous sommes efforcés, surtout au début de marcher silencieusement, afin de faire des observations. C’est ainsi qu’à plusieurs reprise, Jean-Robert s’est arrêté et a observé en silence la nature. Un peu avant la pose, il nous a fait arrêter pour voir un éléphant qu’il devinait devant nous. Non, seulement pour faire une observation, mais aussi pour des raisons de sécurité, afin de ne pas y tomber dessus. C’est comme cela qu’à un moment où nous étions arrêté, Roger, Junior et Célestin devant sur la droite, se sont mis à courir vers nous, provoquant la panique. Ils ont laissé tomber tous les sacs et ont disparus dans la forêt. Ne sachant pas ce qu’il se passait, mais comprenant que nous avions affaire à un éléphant, nous avons nous aussi, pris peur et nous nous sommes repliés en vitesse à l’arrière, sur une cinquantaine de mètres, pas très loin d’un arbre. Je n’ai pas vu cet éléphant. J’ignore si mes collègues l’ont vu. J’ai vu par contre la débandade de tout le monde, les sacs jetés à terre et la panique engendrée par le pachyderme.
Un peu plus loin, dans la forêt touffue, on s’arrête pour une antilope. J’ai mis beaucoup de temps pour la voir. Elle était à une trentaine de mètres de nous, et on voyait juste son museau sortir de l’ombre entre des feuilles. Il s’agissait d’un
Céphalophe à Dos Noir (Cephalophus dorsalis). Elle est restée plusieurs minutes à brouter. Je la voyait à travers les feuilles pendant que j’avançais pour la prendre en photo. Je clique puis j’avance un peu. Lentement. Les feuilles bougent , elle lève la tête, je m’arrête, elle soupçonne quelque chose. Elle replonge la tête, je continue à avancer et je prends une autre photo. L’appareil a énormément de mal à faire la mise au point à travers le minuscule trou d’observation. Elle avance encore un peu. Tout le monde est derrière et me laisse faire. Elle broute encore et me montre ses fesses. J’avance encore, et là elle finit par prendre peur et part rapidement plus loin. J’abandonne la poursuite. Ce n’est pas le but de notre expédition et il reste encore beaucoup de chemin à faire.

Nous tomberons aussi sur une empreinte de gorille, au sol, où on distingue bien les doigts de devant repliés.
Plus loin, nous rencontrerons encore à 3 reprises, à différents endroits de la forêt, des ossements d’éléphants, morts, il y plusieurs mois déjà, mais sans défense. Il est frappant que sur les 75 km de marche que nous allons faire, on ai vu si peu d’animaux. Il y a réellement eu un massacre.

• Les Arbres :
Lors de notre progression nous verrons quelques arbres facilement reconnaissables :
.... Burseraceae : Ebo / Santiria trimera

.... Mimosaceae : Okan / Cylicodiscus gabonensis
.... Mimosaceae : Nieuk / Filaeopsis discophora, facilement reconnaissable grâce à ses gousses grandes et larges, que nous rencontrerons à 3 reprises,
.... Euphorbiaceae : Uapaca
.... Olacaceae : Noisetier Africain / Coula edulis
.... Sapotaceae : Moabi / Baillonella toxisperma, que nous rencontrerons à 2 reprises,
.... Mimosaceae : Pentaclethra sp, dont les gousses rigides avec les empreintes des graines sont reconnaissables entre toutes,
.... Lecythidaceae : Essia / Petersianthus macrocarpus, dont les graines en forme de papillons à quatre ailes perpendiculaires, sont caractéristiques.
.... Tiliceae : Duboscia macrocarpa, dont le tronc cannelé est différent des autres arbres,
.... Burseraceae : Atangatier Sauvage / Ozigo / Dacryodes buettneri


Minkebe-Inselberg-Campement-3-JLA-et-Philippe-STB-DSC00345awtmk-Web
• Le Campement 3 :
Vers 17h ou peut-être 17h30, la journée à basculée. Nous avons fait environ 11 kilomètres à vol d’oiseau, notre GPS, nous indique que nous avons fait 19km par la terre, en marche. Le soir commence à tomber et arrivés à une rivière sans boue, nous décidons de faire notre camp : ce sera le Campement 3. Nous aurions voulus marcher davantage et nous approcher de l’Inselberg, mais ce n’est pas possible. Nous ne connaissons pas le terrain et l’endroit n’est pas mauvais. L’eau est à côté. A 100 m de la rivière, nous dégageons une zone qui sera notre camp.
Stéphane et moi nous dormirons dans la tente et Philippe essayera de nouveau son Hamac. Nous faisons le feu et nous mettons tout de suite la bâche au-dessus. On aurait dû l’incliner un peu, car la fumée va rester dessous et se dissiper très difficilement. Je monte la tente, pendant que les autres montent leurs tentes tout près, au moindre espace disponible. Le campement est relativement serré.
Tout de suite après nous allons faire notre toilette à la rivière. Je mets mes chaussures complètement dans l’eau pour essayer de les laver. Je fais la même chose avec la moitié du pantalon couvert de boue et avec les chaussettes. Je reste longtemps dans l’eau fraîche, allongé dans un creux qui fait plus de 30 cm et qui me sert de baignoire. Quel délice ! Les muscles se détendent de cette journée difficile. Une fois, relativement propre, je mets les habits du soir, short et tee-shirt et les tongues aux pieds. Je retourne au camp, où on a mis des ficelles en travers et où tout le monde fait sécher ses vêtements et chaussures. Moi-même je prends 2 branches que je vais couper non loin de là et je les enfonce au sol. Je mets les chaussures dessus, l’ouverture vers le bas. Elles sont près du feu et vont pouvoir se sécher ou du moins, se sécher un peu. Les chaussettes, la chemise, et mon pantalon, seront sur d’autres branches plantées au sol, et sur les ficelles, où je profiterai de quelques centimètres d’espace salutaire.
Nous sommes tous fatigués et près du feu. Philippe, Stéphane et moi préparons notre nourriture que nous faisons cuire au feu. Je suis tellement fatigué que les quenelles qu’à préparé Stéphane, ont du mal à passer. Pas mauvais quand même, pour quelque chose d’improvisé. Quelques fruits secs passeront plus facilement. Puis une boîte de pâté. Ce sera la repas du soir.

Puis autour du feu, tous ensemble, nous tenons un mini-conseil de guerre. C’est pour la suite à donner. Nous avons perdu beaucoup de temps pour arriver jusque-là. Normalement nous avons déjà passé 1 jour pour faire le trajet de Libreville à Makokou. Puis on aurait dû avoir 1 journée de pirogue pour arriver au Campement ANPN. Mais les pertes de temps dues aux multiples arrêts aux villages, les attentes à ces mêmes villages pour récupérer les pisteurs, les blocages dus aux arbres déracinés tout le long de la rivière Wa après le pont chinois (ou plutôt asiatique), l’échouage de la pirogue sur un tronc, toutes ses haltes, font que nous ne sommes pas arrivés au campement prévu et que nous ayons dû faire le campement 1 beaucoup plus bas, à 50 km de la prévision. Le deuxième jour, nous aurions dû commencer la marche si on était arrivé au débarcadère en fin de matinée. Tout ce temps perdu, fait que nous sommes juste par rapport à notre planning prévu. Nous allons donc prendre la décision de laisser notre campement là où il est et de faire demain, l’autre moitié du trajet, de monter à l’Inselberg et de revenir au campement, même si c’est la nuit. Philippe a insisté sur cette solution, moi j’étais tellement mort de fatigue que je n’ai que mollement réagis et je me suis couché très vite. Ce programme me paraissait irréalisable, sachant qu’il restait presque 11 km à vol d’oiseau. Mais un des arguments massue de Philippe, était d’insister sur le fait que nous ne seront pas chargé, puisque nous ne prendrons de la nourriture que pour midi et le soir, sans le matériel, donc nous marcherons plus vite. C’est vrai, mais il faudra quand même chercher le chemin.
Malgré quelques incertitudes, nous faisons confiance à Philippe qui connait parfaitement la brousse et la forêt et qui s’est révélé, derrière l’éclaireur, toujours de bon conseil. Dans tous les cas, nous tombons tous d’accord pour exécuter cette opération comme prévu.

MINKEBE-Inselberg-Campement-3-Dejeuner-JLA-avec-les-Pisteurs-13E5K3IMG_92393wtmk-Web
La nuit un peu de pluie, a obligé Philippe à se réfugier près du feu. Il a encore dormi allongé dans son poncho, près du feu. Dans la tente nous avons correctement dormi. Le lendemain, on se lève tous à l’aube. On prend le petit déjeuner on prépare les sacs. Dans le mien, que portera un des guide, j’enlève quasiment tout, la trousse de toilette, les vêtements de rechange, les tongues, et je ne garde que la machette et les trousses à pharmacie et de secours. On occupe le reste avec de la nourriture. On prend tous nos vêtements de la veille qui pendent sur les ficelles et les morceaux de bois. Quelle sensation désagréable de rentrer dans un pantalon rigidifié par la boue, même si le bas a été lavé sommairement. Quel déplaisir de mettre des chaussettes à peine sèche, mais qui semblent avoir rétréci au séchage. Comme c’est rebutant de mettre une chemise portée de 3 jours, et qui sent la sueur, même si la fumée lui donne une autre odeur. Comme c’est détestable de rentrer son pied dans une chaussure encore humide. Cette sensation de fraîcheur instantanée. Dans tous les cas, on se demande pourquoi sécher les chaussures, car comme on va le voir, ça ne durera pas longtemps. Par contre il n’y avait pas d’abeilles le matin. Un petit soulagement.
Le signal du départ est donné et avant 7h, nous sommes déjà en chemin.

• La Marche :
La marche de la journée d’hier se reproduit à l’identique. Piste à éléphant, puis zone à marantacées, puis marigot avec boue et rivière, ensuite des passages sous tunnel végétal avec des lianes, des branches, des plantes grimpantes à épines. Devant il y a toujours Jean-Robert qui est parfait pour le pistage et chercher le meilleur chemin. Derrière lui, Junior, Philippe, Stéphane et moi. Ensuite le reste des pisteurs et guides. On s’arrêt régulièrement aux endroits stratégiques et on se concerte Philippe et moi, pour suivre au GPS, la meilleure direction. La marche est plus rapide qu’hier, mais elle est néanmoins ralentit par nos recherches et par les incertitudes. Il n’y a pas 15 à 20 minutes qu’on marche, lorsqu’on passe notre premier marigot. Les pieds s’enfoncent de nouveau dans la boue qui recouvre les chaussures et monte jusqu’à mi-mollet. Les chaussures à peine sèches, sont de nouveau mouillées. Les pieds sont de nouveau trempés. Le passage dans la rivière proche permettra encore de les laver avant de recommencer à patauger dans la boue. On se rafraichira le visage à la rivière. Puis de l’autre côté du marigot et de la rivière on reprendra la marche sur la terre ferme.

On va tomber sur un quatrième cadavre d’éléphant, que Philippe notera sur son GPS, pour info au Conservateur de Minkébé.

• Les Rivières :
On passe encore et encore des marigots, avec de la boue jusqu’au genou. Certains avec un ruisseau insignifiant, d’autres, en particulier vers le 5 ème kilomètre à vol d’oiseau à partir de notre campement 3, possède une rivière très large qui donne envie de s’y baigner. Il était impossible hier de l’atteindre, car la distance est trop importante et notre marche trop lente. Sinon, ça aurait pu faire un campement excellent. La présence de la rivière juste à côté du campement permet de se baigner sans difficulté.
Sur d’autres marigots, la rivière n’est seulement qu’un filet d’eau de 20 à 30 cm de large. Autant dire que dans ce cas, il est difficile de s’y baigner ou de faire quoi que ce soit. Mais sans connaissance du terrain, c’est un peu la partie de poker, sachant que l’idéal serait d’avoir un campement près d’une belle et profonde rivière, et que d’autre part, on doit marcher le plus longtemps possible, tant qu’il fait jour. Une rivière profonde n’excèdera pas 50 cm au plus profond, dans cette zone.

• L’Eau :
Jusqu’au campement 3, il n’y avait pas de problème pour l’eau. J’avais et mes collègues aussi, de l’eau Andza en bouteille. Mais comme je bois suffisamment, J’ai rempli une bouteille vide au campement 3, avec cette eau orange foncée de la rivière à côté. J’y ai mis une pastille d’Hydroclonazone, et j’ai pu boire cette eau à partir de ce moment-là. Au campement suivant, le 4, au pied de l’inselberg, on avait un ruisseau qui venait du “Gros Caillou“ et qui était limpide. J’en ai rempli 2 bouteilles et je les ai bues sur le chemin du retour sans les traiter. Cette eau, je dirais presque cristalline, m’inspirait confiance. L’eau orangée sombre de la rivière, après traitement ne posait aucun problème. Je pense qu’il n’y aurait pas eu de problème non plus, sans traitement. Mais j’avais acheté des pastilles, et je n’ai pas voulu prendre de risque, et ajouter des maux de ventre à la fatigue et aux efforts quotidiens. C’était déjà assez dur comme ça.

Nuit Tombante sur le Flanc de l’Inselberg :

MINKEBE-Inselberg-Meditation-le-Soir-au-Soleil-Couchant-13E5K3IMG_92524wtmk-Web1


- L’Inselberg -



• L’Inselberg / Le “Gros Caillou“ :

La marche continue. Sur le GPS, la fonction “Rallier“ nous indique en permanence la distance restante jusqu’à l’Inselberg. Du campement 3, il restait 10,95 km à vol d’oiseau, ce qui veut dire au moins 20 km par la marche. Les kilomètres diminuent, mais à dose homéopathiques. On a la désagréable sensation de marcher beaucoup pour avancer peu. Mais chaque kilomètre avalé, est un de moins vers notre but final. Chaque kilomètre, pour s’encourager, je cite les kilomètres restant. Le chiffre diminue graduellement. 10, puis 9, puis … Vers la fin de la matinée nous ne sommes plus qu’à 2 km. 2 km restant ! C’est une bonne nouvelle. Au passage d’une rivière après cette annonce, on voit des gros rochers de grès, qui semblent annoncer la proximité de notre but. Puis on avance encore, et lorsque le GPS indique 800 mètres, on sait qu’on n’est pas loin. Le ciel se dégage un peu et au-dessus de la frondaison des arbres gigantesques, on aperçoit un bout de ciel et ce qui semblerait être une colline.
Nos derniers pas buttent à 50 mètres d’une zone relativement ouverte qui nous laisse entrevoir un rocher qui monte à la verticale. Prodigieux. C’est l’Inselberg tant cherché et tant convoité. On est tous heureux d’être arrivé à notre but. Mais la joie est de courte durée. Nous sommes tombés sur la face verticale de l’Inselberg, et il hors de question de grimper là. La parois est verticale. Le rocher est couvert de mousses ou de fougères qui lui donnent un aspect verdâtre avec des tâches grisâtres par endroit. On se déplace donc pour chercher une zone accessible. Roger reprend la main et nous explique qu’il faut le contourner afin de trouver l’endroit qui monte en pente douce vers le sommet.
Minkebe-Inselberg-JLA-Stephane-et-Philippe-en-Pose-avant-le-Sommet-STB-DSC00448awtmk-Web
Encore des kilomètres de marche en perspective. Nous marchons en ondulant suivant la technique proche de la “Marche du Serpent“ en essayant de trouver des passages pour contourner l’Inselberg, tout en ne s’éloignant pas trop du rocher. D’une trouée dans la canopée, nous apercevons une crête qui semble monter vers le sommet et qui est couverte en partie de forêt. Nous essayons de louvoyer pour l’atteindre. On passe devant des énormes rochers de plus de 10 mètres de hauteur. Sur certains la base s’enfonce doucement dans la terre en ménageant des espaces abrités. Certainement des grottes. Les chauves-souris ont pris possession des lieux et une forte odeur d’urine et d’excrément se fait sentir. Je n’en vois pas, ce qui veut dire qu’il y a des grottes et des excavations qui abritent des chiroptères, qui restent bien cachés. Roger, devant fait des coupes que les autres suivent, à 100 mètres derrière.
On passe une dernière forêt avant de se retrouver sur une dalle énorme. Un rocher, certainement du grès, s’étend sur plus de 20mètres, C’est certainement l’embase de l’Inselberg. En sortant, notre vue s’étend sur la crête couverte de forêt alors que tout le reste est le domaine de la savane. On fait une halte sur le rocher. Il n’est pas loin de 14h, et nous mangeons un peu. Cette halte nous permet de récupérer un peu.

• La Montée de l’Inselberg :
Roger est parti devant. Après le repos bien mérité, notre équipe part à sa rencontre. Nous rentrons un peu plus haut dans la forêt et nous suivons un arc de cercle qui doit nous amener au début de la marche vers le sommet. La forêt, à cet endroit est claire. Roger a laissé avec Jean-Robert, des coupes, qui permettent à nos pisteurs de suivre sans difficulté. Quelques dizaines de minutes après nous sortons à nouveau da la forêt. Mais cette fois-ci, nous sommes sur le bon chemin. La zone est dégagée. Roger est assis avec ses vêtements étendus au soleil sur une zone caillouteuse, pour sécher. Jean-Robert, en conquérant, est sur le milieu de la crête et nous fait des signes.
Nous commençons donc notre montée vers le sommet. Les pas sont lents. Ça fait plus de 10 heures que nous marchons et nous accusons la fatigue. L’herbe nous arrive au mollet. Il s’agit d’une herbe avec de longues feuilles fines et dures. Nous montons tous à notre rythme. L’équipe est dispersée. Nous passons sur un bloc de grès qui affleure. De là où je suis, à mi pente, on peut voir aisément le sommet. Sur la droite, entre le rocher et la forêt proche, on voit à perte de vue la forêt environnante qu’on domine de plus de 2 à 300 mètres. En bas nous étions dans les 400 mètres d’altitude. Maintenant le GPS nous indique une progression sensible. Nous atteignons les 500m, puis les 600m. On peut maintenant apercevoir la forêt sur le côté nord de la crête. Au fond, peut-être à 10 km à vol d’oiseau un autre inselberg, lui aussi pelé. Encore plus au fond d’autres inselberg. Je ne les ai pas compté, mais il y en a peut-être une vingtaine en tout. On continue à grimper, lentement. Il fait chaud, le soleil tape dur et il n’y a plus de nuages dans le ciel.
On arrive à la lisière d’un petit bosquet qu’on franchit en passant sous les arbres. Le dessous est très clair. Ça ne dure que 50mètres, pas plus. Puis on retombe dans la savane aux herbes dures. La marche continue vers le sommet que nous atteindrons vers 15h30.

Le Campement 4 / Nuit Difficile au Sol, près du Feu :

MINKEBE-Inselberg-Philippe-et-JLA-Dormant-au-Sol-13E5K3IMG_92555wtmk-Web1


Le but de notre voyage est enfin atteint. Quel bonheur ! Une vue extraordinaire, un spectacle inoubliable, la forêt à perte de vue. Au sommet, l’herbe est plus haute. et il faut faire attention de ne pas trop s’approcher du bord, car la face sud est abrupte, et la chute de 200 mètres, n’a pas beaucoup d’issue. Au loin, vers le sud-ouest, on aperçoit un autre inselberg, c’est celui qui est à 17 km du débarcadère, et qui est répertorié comme le gros inselberg sur Google Earth. Peut-être à faire une autre fois, si autre fois il y a ?

On s’assoit tous en cercle autour d’un espace libre d’herbe, et on récupère. La vue de là-haut est éblouissante. On est à 720 m au-dessus du niveau de la mer. Après un moment passé au sommet nous commençons notre descente. Il est 16h, lorsque nous rejoignons la forêt du bas, au pied de l’Inselberg. Trop tard pour retourner au campement 3. Nous décidons donc de passer la nuit ici, sur place. Le gros problème, c’est que n’avons rien.

• Le Campement 4 :
Au pied de l’Inselberg, vers 17h, nous commençons notre campement. La rivière à côté est limpide. On peut boire l’eau sans difficulté. La première chose à faire, est le feu. Junior s’en occupe. Nous n’avons rien amené, donc le campement sera sommaire. Le feu allumé, je retire mes chaussures, mes chaussettes, mon pantalon et ma chemise, et je reste en slip, comme mes collègues. Je n’ai pas amené mes tongues, donc, nous restons tous pieds nus. Au retrait des chaussures, les pieds qui ont macérés pendant 2 jours dans l’eau, commencent à donner des signes de fatigue. Ils sont blanchâtres et les orteils me font mal. Sur le dessous, je sens des ampoules énormes qui commencent à se former. On découpe des fourches qu’on plante dans la terre et qui vont maintenir des branches horizontales sur lesquelles on mettra nos vêtements. L’ensemble va sécher. Certains vêtements vont même brûler pendant quelques minutes d’inattention.
Puis, comme il fait jour, Junior nous amène dans la savane, sur le flanc du rocher, où se trouvent déjà Roger et jean-Robert. Pieds-nus, en slip, nous partons donc vers l’extérieur. Le soir tombe lentement, mais il fait encore jour. On traverse la forêt sur une centaine de mètres, en faisant attention où on marche, car Stéphane, comme Philippe et moi-même, nous n’avons pas l’habitude de marcher pieds-nus. À plus forte raison dans la forêt et encore moins dans la savane. On débouche donc, à moitié nus, dans la savane. Nous passons sur une plaque de grès qui ruisselle d’eau. Le rafraîchissement est instantané. C’est en fait cette eau que nous retrouverons plus bas, et qui forme le ruisseau dans lequel on s’est baigné et dont on a bu l’eau fraîche. Lorsque nous marchons dans l’herbe, on sent par endroit l’eau qui ruisselle en dessous, depuis les dernières pluies de la veille.

Minkebe-Inselberg-Campement-4-JLA-STB-DSC00512awtmk-Web
A mi-pente, on s’assied sur un massif de grès et on regarde le soleil couchant. Le jour s’affaiblit lentement au rythme du soleil qui se couche à l’ouest. La forêt devient plus sombre, mais dans cet univers où la chaleur de la journée fait place à la fraîcheur, toute relative, de cette soirée inoubliable.

Nous sommes seuls au monde, dans cet univers étrange et fantasmagorique où toutes les pensées sont possibles. Cet univers où on pourrait s’attendre à voir surgir du néant des animaux préhistoriques, où l’esprit vagabonde et relit en une fraction de seconde “le Monde Perdu“ de Conan Doyle. Ce Rocher mythique et perdu, mais qu’à force de courage, de ténacité et de volonté, on a réussit à atteindre. Moment merveilleux où on essaye de profiter de l’instant présent, de savourer cette minute qu’on voudrait rallonger encore un peu pour profiter de ce soleil rougeoyant qui s’enfonce à l’horizon. Moment de bonheur, moment inoubliable, moment à incruster au fond de la mémoire, pour garder éternellement.

A la nuit tombante, avec nos lampes frontales nous redescendons. La forêt est maintenant sombre, et seules, nos lampes frontales, nous permettent de nous repérer. Quelques minutes ont passé lorsque nous avons dit au revoir à cette savane. Nous rejoignons le campement où nous attend le reste de l’équipe. La nuit sera courte. Nous n’avons que quelques provisions que nous mangeons rapidement. Le programme est donc bouleversé. Nous n’avons pas pu faire l’aller et le retour au campement 3, dans la journée. Il faudra donc nous adapter. Demain, nous souhaitons partir le plus vite possible, au lever du jour, et atteindre le campement 3 rapidement, pour défaire nos tentes et partir vers le débarcadère. Nous camperons là où la nuit nous trouvera, en forêt.

Ce soir, il est 8h à peine. Le feu nous réchauffe. Les vêtements essayent de sécher. Nous nous allongeons tous, à même le sol, près du feu. J’ai mis mes chaussettes et mon pantalon, dans l’état où ils étaient. J’ai remonté mes chaussettes au-dessus du bas du pantalon pour que les insectes ne pénètrent pas trop à l’intérieur. Je m’étends sur le sol. La tête prêt du feu, et les pieds à l’opposé. Tout le monde fera la même chose, et nous dormirons tous par terre, à même le sol. J’avais amené la toile de mon lit picot, pour faire un brancard en cas d’accident. Je m’en sers comme tapis de sol, pour m’isoler de la terre. Dans mes vêtements humides de la journée, je vais essayer de trouver le sommeil. Personne n’a dormi bien longtemps. De temps en temps je sens des insectes qui étaient passés à travers la chemise entrouverte, et qui naviguaient sur mon ventre. Je me débarrasse d’eux et j’essaye de reprendre le sommeil. Difficile.

Cette nuit, nous avons eu beaucoup de chance : il n’ a pas plu. Heureusement, car nous n’avions rien pour nous protéger, à l’exception de nos ponchos et imperméables.
Le matin, aux premières lueurs du jour, les abeilles font leur apparition. Nous n’avons rien à manger, nous allons donc faire les 10 km de retour au campement, sana manger quoi que ce soit. Inutile d’attendre. Vers 7h du matin, nous reprenons la marche, après avoir mis nos chaussures. Bien serrés, mes pieds me font moins mal, lorsque je remets mes chaussures et qu’ils sont coincés dedans.

Passage d’un Marigot avec mur de Marantacées et Boue :

Minkebe-Inselberg-JLA-Passant-un-Marigot-avec-des-Marantacees-STB-DSC00318awtmk-Web1


- Le Retour au Débarcadère -



• Le retour :

La marche a repris. La traversée des marigots aussi. Nos chaussures ne sont restées sèches bien longtemps. Nous replongeons dans les mares de boue de l’aller. Nous ne sommes pas chargés, mais nous n’avons pas mangé depuis hier soir. Au passage on croise des feces d’éléphants, qui ne semblent pas bien fraîches. Les heures passant, nous arrivons au campement 3 vers 13h.
Bien que tout le monde ne soit pas motivé, on décide de suivre le programme et de lever le camp. Roger a fort à faire pour motiver ses équipes. Mais insensiblement, le camp est démonté. Nous plions tout et après avoir mangé, nous reprenons notre marche.

• Les Potamochères :
Très peu de temps après être parti de notre campement 4, peut-être une demi-heure ou trois quarts d’heure, Jean-Robert et Philippe en tête s’arrêtent et nous signe de faire silence. On observe, on écoute. Les têtes tournent lentement vers la droite et vers la gauche, à la recherche du moindre mouvement de feuilles ou du moindre craquement de branche. Sur la gauche, devant nous, peut-être à une trentaine de mètres, dans le feuillage, on entend des branches bouger, comme si un animal assez gros marchait en bousculant les arbustes sur son passage. On entend presque immédiatement des grognements qui ne peut être que celui de
potamochères (Potamochoerus porcus). Nous être arrêté, a été bénéfique : ils ne nous ont pas entendus. On essaye de bouger un peu, mais impossible de les voir. Leur comportement et leur grognement font qu’il n’y a aucun doute possible. Ils continuent à déambuler sur notre gauche. On essaye d’avancer encore. Puis un grognement vient de notre droite. Le ton est différent. Visiblement, il est seul, il a détecté notre présence et il voudrait regagner le troupeau. On entend le grognement répété puis le mouvement du feuillage se déplacer sur notre droite, vers l’arrière de la colonne. Le mouvement de l’animal et le bruit s’arrêtent. Puis quelques secondes plus tard on entend le martèlement continu de l’animal qui fonce vers le troupeau à gauche en traversant en trombe la piste sur laquelle nous étions quelques minutes auparavant. Ayant rejoint son troupeau, il est clair que l’alarme a été donnée, car l’ensemble di troupeau se déplace à toute vitesse loin devant nous. On n’essaye pas de les suivre. On perdrait trop de temps.

• La Marche :
Les sacs à dos des pisteurs ne tiennent pas longtemps les charges. Une anse casse. Célestin, s’arrête donc à un arbre, et sort sa machette. Avec le tranchant de la lame, il racle l’écorce sur une longueur de 2m environ. Puis il pli fortement l’écorce pour en extraire la peau. Elle se révèle extrêmement souple et résistante. Il attache donc le bas du sac et fait passer l’anse ainsi formée sur sa tête. Le poids est mieux répartit, et les bretelles, soulagées. Nous pouvons donc reprendre notre marche. Jean-Robert est devant et ouvre la marche. Il retrouve facilement ses coupes, et donc le chemin. Nous marchons encore 2 heures environ, et après avoir passé plusieurs marigots et plusieurs rivières, nous débouchons, sur une zone en forêt où Roger et Jean-Robert sont assis. L’après-midi est bien avancée et il est clair que tout le monde est fatigué. Malgré la discussion, personne ne veut avancer encore plus, au risque d’être pris par la nuit dans un endroit inhospitalier. Il est 17h30, et c’est vrai, que ce ne serait pas prudent de continuer. On peut facilement manquer une coupe. On décide donc de monter le campement ici, en pleine forêt. L’endroit n’est vraiment pas génial, mais personne ne se rappelle combien de kilomètres, et donc d’heures, pour atteindre la prochaine rivière. Nous sommes à moins de 7 kilomètres du débarcadère. Demain nous l’atteindrons rapidement, si tout va bien.

MINKEBE-Inselberg-Campement-5-JLA-et-les-Pisteurs-Autour-du-Feu-le-Matin-13E5K3IMG_92631wtmk-Web
• Le Campement 5 :
Le campement est sommaire. Personne n’a la force de monter la bâche. S’il pleut, ce sera la catastrophe. L’espace est une zone de terre qu’a laissé un arbre déraciné. L’endroit n’est pas très agréable. A côté de cette terre retournée par l’arbre pourrit, il y a d’innombrables branches sèches au sol. A moins de 15 mètres, il y a un arbre mort sur pied. Il ne faut surtout pas rester dessous. Les branches mortes qui tombent des arbres sont extrêmement dangereuses. Nous faisons le feu à plus de 20 m, par mesure de prudence. Rien n’empêche quand même l’arbre mort de tomber par terre.
On met des branches plantées en terre pour essayer de sécher les vêtements et les chaussures.
Pour aller se doucher, c’est la galère. Le petit ruisseau est à 100 m, et pour y aller on est obligé de patauger dans la boue. Encore une fois, Philippe, sera notre sauveur. Il ausculte l’endroit et trouve une trouée dans laquelle il suffit de faire un passage à la machette, pour sauter de motte de terre en motte de terre. On arrive donc à la rivière sans avoir trop de boue. Le niveau est très bas, mais il est suffisant pour se laver le plus simplement. Ce n’est pas de la grande toilette, mais c’est rafraîchissant.

De retour au campement, je fais mon lit. Célestin m’aide, et après avoir coupé 8 fourches, on fait passer les branches de 2m dans les gaines longitudinales du lit picot. Les fourches sont enfoncées dans le sol et on pose l’ensemble dessus. Un lit parfait, bien isolé de l’humidité du sol, excepté si il pleut. Je ne mettrais pas de moustiquaire. Ce soir je n’ai pas vu d’insectes. Nous prenons un repas chaud composé de lentilles en boîte. Puis lorsque nous voulons attaquer le saucisson qu’il nous reste, on constate qu’en quelques minutes, après l’avoir posé au sol, une myriade de magnans se sont engouffrés dans le sachet qu’ils ont percé. C’est une boule mouvante de magnans. On n’essaye même pas de combattre, on jète le saucisson plus loin. Dommage.

Après ce repas, on essayera de dormir. Sur mon lit fait avec des fourches et la toile, la nuit sera sans histoire, si ce n’est la fraîcheur de la nuit, qui au petit matin sera difficile à supporter. Juste quelques fourmis qui, de temps en temps, rentreront dans mon drap de couchage et qui me chatouilleront les jambes. Au matin pas d’abeille. Stéphane et Philippe n’ont pas monté la tente et ont dormis tous les deux par terre, enroulés dans leurs ponchos, à même le sol, pas très loin du feu.

• La Marche vers le Débarcadère :
Le matin, de bonne heure, nous plions le camp et après un petit-déjeuner, nous reprenons la marche vers le débarcadère. Les chaussettes et les chaussures à moitié sèches, ne le resteront pas longtemps. Nous sommes installés à côté d’une rivière qui nous oblige à passer par un marécage pour y aller. Seulement quelques minutes après notre départ, la fraîcheur de la boue et de l’eau nous assaille. Les chaussures et les bas de pantalons resteront encore mouillés toute une journée de plus. Décidément, impossible d’être au sec. Les péripéties des jours précédents vont se répéter : marigots, sentiers à éléphants, boue, rivières, plantes à épines, passages délicats, tunnels à marantacées, descentes, montées, fourmis magnans, épines, plantes à épines …
Finalement, nous arriverons au débarcadère en début d’après-midi.

La Fatigue après 2 jours de Pirogue et 4 Jours de Marches Intenses :

MINKEBE-Inselberg-JLA-et-la-Fatigue-13E5K3IMG_92602wtmk-Web1


• Les Non-Dits :
Ce que les images ne disent pas, ce qu’on tait constamment, ce sont les non-dits. Aucune image, aucun texte ne peut rapporter ou faire approcher tout ce qu’on ressent tout le long de ce voyage et qu’on ne peut pas exprimer. Comment parler de la fatigue, des efforts, de la boue, de la sueur, de la fumée du feu, des vêtements mouillés, des douleurs aux muscles, des égratignures au visage et aux bras, du temps long qui passe lentement alors qu’on a l’impression d’avoir marché sur des kilomètres et des kilomètres, de l’odeur des vêtements qui sentent mauvais, après plusieurs jours de marche, de la fraîcheur de la nuit, de la pluie qui vous glace, de la chaleur de la journée pendant la marche, de la sueur qui mouille le pantalon et la chemise, de ces piqures d’insectes qui vous assaillent quotidiennement, des abeilles le matin, des magnans qui vous piquent et dont les morsures sont autant de brûlures, de l’abnégation dans l’effort, de la force mentale qu’il faut pour passer le cap de la fatigue physique et demander au corps de faire plus, des pieds qui n’en peuvent plus de macérer dans l’eau et l’humidité, des jambes qui buttent sur un moignon de branche cachée par des feuilles ou sur un tronc mort. Tout cela existe, mais fait parti de l’expédition. C’est aussi cela la découverte de ces milieux austères mais captivants.

• Les Séquelles :
D’avoir eu les pieds qui ont macérés pendant plusieurs jours, sans en être particulièrement habitué, m’ont laissé des ampoules et des ongles à la limite du décrochement. Mais cela fait parti des règles du jeu et de la marche. Les égratignures aux bras et au visage auront disparus dans une semaine. La fatigue sera oubliée dans quelques jours. Ne resteront donc que les bons souvenirs : la remontée de la rivière Wa et l’Inselberg, but de l’expédition.

MINKEBE-Inselberg-Campement-5-Mise-en-Place-de-mon-Lit-Pico-JLA-13E5K3IMG_92624wtmk-Web
• Le Couchage :
Si les tentes présentes l’avantage d’être bien à l’abri lorsqu’il pleut, la toile de lit picot transformée en lit avec 2 longues branches et 8 fourches, semble le plus adapté et le plus rapide à monter. Ajouté à cela une moustiquaire, et il n’y a plus d’insectes. Si on met en plus la bâche au-dessus du lit picot, soutenue par une branche encastrée sur 2 fourches et tenue fermement par quelques ficelles, l’idéal est atteint. Pas de chaleur lors des périodes chaudes, on est au grand air. La nuit, il faudrait même avoir une couverture ou une polaire pour éviter la fraîcheur du matin.
Nous avons dormi à plusieurs reprises par terre. Près du feu, il apporte un réconfort. Il est vrai qu’on est quelquefois dérangé par les insectes.

• En Conclusion :
L’endroit est extraordinaire par son panorama et son côté insolite, mais ce n’est pas une mince affaire que d’y aller. Non-sportifs ou non-motivés s’abstenir. De Libreville à Libreville, nous avons mis 8 jours, contraintes professionnelles obligent. Avoir fait presque 75 km de marche en 4 jours doit constituer un record, non voulu, mais seulement imposé par les contraintes de temps que nous avions. L’idéal serait de faire cette expédition avec 1, ou mieux, 2 jours supplémentaires. Cela permettrait de faire des campements intermédiaires et de profiter des marches en forêt, qui sont extraordinaires. 10 jours seraient idéal.



Minkebe-Inselberg-Vue-a-mi-Pente-Pano-STB-DSC00460awtmk-Web











La Marche vers l’Inselberg de MINKÉBÉ / Jean-Louis ALBERT / 05 Mai 2013.


______________________________________________________________________________________________________________