- Le Trajet :

•• FRANCEVILLE -> MOULENDE : Environ 15 km.

Le site fossilifère se trouve à une quinzaine de kilomètres de Franceville. Il suffit de prendre la route goudronnée, qui va vers l’aéroport de MVENGUE. 15 à 20 minutes de route depuis le centre ville, permet d’atteindre l’endroit où la piste en latérite s’amorce sur la droite. Elle mène, à moins de 1 kilomètre, à l’ancienne carrière exploitée précédemment par les sociétés de BTP de la place.

Aujourd’hui, devant l’importance des trouvailles, la zone est contrôlée par l’APN (Agence Nationale des Parcs).

- La Génèse de l’Exploration :
• Plusieurs décennies en arrière, vraisemblablement au milieu du vingtième siècle, beaucoup de géologues, soit pour des agences comme l’IGN ou pour des sociétés de prospections, ont sillonnés le Gabon, afin d’établir un état approximatif des ressources. Pour arriver à ce but, il est évident qu’il faut connaître la géologie des zones concernées. Toutes ces missions qui s’étalent sur des années et des années, n’avaient pour but, que d’avoir une vision synthétique de la surface du pays. Toutes ces données, une fois traitées, permettaient par la suite, d’avoir une bonne vision des ressources cachées. Elles permettaient aussi d’approfondir l’histoire géologique de ces régions et de dresser des cartes du sous-sol. Chacun apportant sa pierre à l’édifice, c’est ainsi, que furent découvert et appréhendé des sites comportant des ressources qui ont été exploitées par le passé (comme l’uranium par exemple par la COMUF à MOUNANA), celles qui sont encore exploitées de nos jours (comme le manganèse de la COMILOG à MOANDA ou le pétrole à PORT-GENTIL), et celle qui le seront dans le futur (comme le minerai de fer de BELINGA, au nord de Makokou).

- Histoire d’une Découverte :
• Lors de ces missions de recherches et de prospection, furent signalées à plusieurs reprises, la présence de formes curieuses dans certains terrains. Il est absolument impossible de savoir qui le premier les a mentionnées, mais très loin en arrière on trouve la trace, en particulier dans des thèses au milieu des années 80, et certainement dans les années 60, de la présence de “formes curieuses“ au milieu de terrains très anciens. Ces curiosités ont donc été très tôt, mentionnées. Il est évident qu’on ne savait pas trop de ce que c’était. Il faut se replacer dans le contexte de l’époque : les plus vieux fossiles connus d’êtres eucaryotes, sont de 650 000 000 d’années. Ici on est dans des terrains vieux de plusieurs milliards d’années. D’où la prudence extrême devant ces phénomènes, car il s’agit d’un BOND extrême en arrière pour l’origine de la VIE. On fait reculer la présence de formes de vie pluri-cellulaires de plusieurs centaines de millions d’années.

L’endroit où ont été découvert ces fossiles, est une carrière exploitée par des sociétés de BTP, depuis plusieurs décennies. Proche de Franceville, elle a servit très tôt, de laboratoire à ciel ouvert pour les étudiants en Géologie et Sciences de la Terre de l’Université de MASUKU. Depuis la création de ce département, régulièrement les professeurs venaient sur le terrain pour présenter et étudier cet univers. La présence de strates bien différenciées, les terrains anciens parmi les plus accessibles aujourd’hui à la surface de la terre, le milieu riche en silice et roches siliceuses, les inclusions fréquentes de quartz, avec de nombreux complexes cristallins, en faisait l’endroit idéal de travail et d’études, à deux pas de l’Université.

Au GABON, on trouve 3 grands bassins sédimentaires avec des terrains qu’on nomme “FRANCEVILLIEN“. Ils sont schématiquement centrés sur un axe Franceville / Okondja / Booué / bassin de l’Ogooué vers l’ouest. Il s’agit de terrain très anciens qui s’échelonnent entre 2,2 et 2 milliards d’années. Ces terrains sédimentaires dont l’épaisseur varient entre 1000 et 3000 mètres, sont très riches en silice, et sont principalement composés, suivant les profondeurs, de grès, de pélites, ou de jaspe entre autres. Ce laps de temps de 200 000 000 d’années semble énorme à l’échelle de l’homme, puisqu’il représente l’équivalent de l’espace de temps qui sépare l’apparition des premiers dinosaures jusqu’à aujourd’hui. Par contre à l’échelon géologique, ce temps de 200 000 000 d’années est un temps relativement court. Ces terrains se sont donc formés en très peu de temps.

Le Francevillien, est lui-même divisé en 5 périodes principales, nommées FA, FB, FC, FD et FE. Ici les terrains concernés par cette carrière sont voisins de 2 100 000 000 d’années (2,1 milliards d’années) et sont les niveaux FB2a.

Il y a 2,7 milliards d’années, des soulèvements de montagnes (le Massif du Chaillu ou le Massif du Mayombe par exemple), furent suivis d’une érosion dont les dépôts sédimentaires s’accumulèrent dans des dépressions nouvellement crées et qui furent la base des terrains actuels du Francevillien. Un premier dépôt sédimentaire continental débuta donc il y a 2,2 milliards d’années par une érosion des montagnes, en particulier le Massif du Chaillu, qui donna le Francevillien FA, essentiellement composé de grès et de conglomérats. Il fut suivi par la suite d’un envahissement du bassin par une mer peu profonde, qui va entraîner des dépots marins. Il vont donner le Francevillien FB, centrés autour de 2,1 milliards d’années. Ce milieu est essentiellement composé d’argilites, de pélites et d’ampélites. Suivirent ensuite plusieurs autres phases qui vont se succéder jusqu’à 2 milliards d’années, et qui vont donner l’ensemble des terrains Francevillien. Certaines périodes mêlées à des épisodes volcaniques vont entraîner la formation de jaspes.
Une grande partie du Gabon est formée de terrain Protérozoïques, qui s’échelonnent donc de 2 500 à 242 millions d’années.

Cette carrière qui fait presque un cercle complet de plus de 150 mètres de diamètre, est proche de la route, moins de 1 kilomètre. Aujourd’hui, l’endroit est protégé afin d’éviter le pillage du site et la perte de précieux échantillons, qui sont étudiés par les scientifiques. Il est nécessaire d’avoir une autorisation pour y pénétrer.

L’arrivée sur le site nous montre en arc de cercle, une falaise de plus de 10 mètres de haut, noire, et composée de strates comme de l’ardoise. Il s’agit en fait principalement de pélites, très friables et de grès, suivant les niveaux. A certains endroits, on aperçoit des zones blanchâtres qui sont du quartz. De grandes plaques de cristaux, dont certains rosâtres, percent la croute noirâtre de la roche environnante. Dans le fond, d’immenses mares d’eau stagnante occupent le lieu. Le sol, de couleur noire, est sillonné de filons de quartz de quelques centimètres d’épaisseur, comme des lignes de peinture sur une route. Sur le côté, un petit ruisseau longe la falaise, puis tombe en cascade et continue sa route. Sur le côté, un immense tapis de petites plaques de pélites noires est couché sur le sol. Au milieu de ce fond noir, apparaît de temps en temps, une excroissance jaunâtre : ce sont ces fameuses curiosités, qui en fait sont des fossiles. Il s’agit de formes rondes comme des billes qui seraient accolées en un long collier d’une dizaine à une quinzaine de centimètres de long. Le tout ressemble à une grosse chenille fossilisée. Cette inclusion est prise en sandwich au milieu de sa gangue de pierre. La couleur jaune de ce fossile vient de son altération par l’eau, qui a favorisée l’action de l’oxygène, et a dissous toutes les substances solubles.
Plus loin, un plateau en grès est envahie de formes rondes de 2 à 5 ou 6 centimètres de diamètres. Certaines semblent isolées, d’autres semblent former une colonie plus ou moins linéaire. On est légèrement plus bas dans le temps que le premier terrain ausculté.

Plus loin, on trouve des rochers de plus de 1 mètre de long, appelés “STYLOLITE“. Il s’agit de rochers parsemés de trous de plusieurs centimètres de diamètres, et d’une dizaine de centimètres de profondeur. Certaines zones sombres, sont en fait des trous fermés par un bouchon qui a la même forme de stylet. La formation de ces étranges rochers vient de leur origine : lors de la compression entraînée par la masse des sédiments, il peut arriver que des zones de moindre densité surgissent à l’interface de 2 plaques, entraînant ces sortes de boudins ou de stylets qui sont plus mous, et qui se solidifient en forme de pointe de stylo, dans un environnement plus ferme.

- Aux Origines de la Vie Pluri-cellulaire :
• S’il est à peu près sûr que la vie est apparue très tôt sur terre, il y a environ 3,8 milliards d’années, les formes de vie complexes, sont beaucoup plus récentes. Les plus vieux fossiles animaux connus, sont nommés sous le nom de “Faune d’Ediacara“, dont le nom vient du site australien où cette faune a été décrite en premier. Ils ont vécus il y a environ 550 millions d’années. Cette époque datée entre -575 et -542 millions d’années, a livrée des organismes à corps mous, qui sembleraient être les premiers organismes complexes ayant laissées des traces. Cette faune complexe, aurait un ancêtre commun qui pourrait être l’ancêtre de toute vie pluri-cellulaire. Il aurait vécu il y a 1,6 milliards d’années environ. Ce premier eucaryote, ancêtre de tous les animaux, plantes ou champignons vivants a été caractérisé par les scientifiques grâce à “l’Horloge Moléculaire“. Chaque mutation génétique a une durée statistique moyenne, qui permet en comparant la divergence génétique entre les plus complexes, de remonter statistiquement à une origine commune, qui serait le premier de toute la lignée vivante. Cette stratégie a toujours bien fonctionnée et permet donc de cibler cet ancêtre.
La découverte de ces fossiles dans des terrains du Francevillien FB2a, donc datée de 2,1 milliards d’années, ferait remonter cet ancêtre commun, 500 millions d’années plus tôt dans l’histoire de la terre. Notre ancêtre commun serait donc plus vieux de 500 000 000 d’années, ce qui est énorme.

D’un seul coup, la découverte de ces étranges structures, bouleverseraient l’histoire de la vie. La vie complexe serait apparue 500 millions d’années plus tôt, l’horloge moléculaire serait détraquée, car il faudrait expliquer pourquoi ses prédictions correctes jusque-là, seraient maintenant erronées. Il faudrait percer le mystère de l’absence de traces de vie complexe, donc de fossiles, entre cette période et les plus anciens fossiles connus. Pourquoi il n’existe pas de fossiles entre 2,1 milliards (fossiles de Moulende) et 600 millions d’années (faune d’Ediacara). S’agit-il d’assemblages de procaryotes, êtres unicellulaires. Pourquoi auraient-ils disparus sans descendants ? Toutes ces ombres permettent de se rendre compte de la complexité de la tâche à accomplir et des recherches qui vont animer le milieu scientifique dans le futur, pour trouver les réponses à ces questions passionnantes.






- Quelques définitions :
• Pélite : Classe de roche sédimentaire détritique dont les éléments sont inférieurs à 63 µm.
• Ampélite : L’Ampélite est un mélange de carbone et d’argile, qui donne une pierre noire, plus ou moins grasse, et qui laisse un dépôt noirâtre lorsqu’on le touche, comme une mine de crayon. On pourrait l’assimiler à un schiste bitumineux.
• Grès : Le Grès est une roche détritique résultant de l’agrégation de sable (silice) avec un ciment qui en assure la cohésion.
• Argilite : Les Argilites sont des roches composées de mica, de quartz et d’argile, mais dont le grain est si fin que la texture est difficilement observable à l’oeil nu.
• Jaspe : Le Jaspe est une roche sédimentaire contenant 80 à 90 % de silice, mais pouvant contenir de l’argile, mais pas de quartz détritique. Il peut être d’origine sédimentaire ou volcanique. Sa palette de couleurs est très large.


- Liens :
• Voici le lien vers un article au moment de leur découverte : http://lci.tf1.fr/science/nouvelles-technologies/2010-06/une-decouverte-de-fossiles-pourrait-revolutionner-l-histoire-5903418.html.
• Les débuts de la vie : http://www.botanic06.com/site/EvolVie/evol2.htm
Ces liens m'ont été communiqués par Jean FAURE, géologue actuellement retraité en France, et qui a passé entre autre, 2 ans à Franceville, de 1985 à 1987, pour la recherche d'uranium.

• Cristaux de Quartz à la Carrière de MOULENDE :

• Les Fossiles de MOULENDE / Jean-Louis ALBERT / Dimanche 25 Mars 2012.


__________________________________________________________________________________